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Les jeunes diplômés, ces demandeurs d’emploi trop souvent marginalisés

Ils sont nombreux aujourd’hui dans la patrie des droits de l’homme à espérer une part du gâteau, mais ils font pour l’heure avec les miettes tombant par terre quand les autres se servent. Ils sont jeunes diplômés, ils sont privés d’emploi, faute d’expérience et des limites du système de recrutement.

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Pleins de sang neuf, ambitieux, dynamiques, animés par l’envie de déverser à bon escient le contenu de leur masse crânienne, ces jeunes tout droit sortis de l’usine des têtes pleines et bien faites ont peut-être tout de nouveaux produits facilement écoulables sur le marché mais ils manquent cruellement d’expérience. Ils ont beau être diplômés d’une école sérieuse, dotés d’un talent pétillant et d’un être cher, s’ils ne peuvent justifier du temps déjà passé à un poste similaire à celui auquel ils prétendent, la balance des recruteurs se penche du coté des anciens. Ce critère d’ancienneté ou d’expérience professionnelle mis en avant par les chargés de recrutement relève aussi, de la part des entreprises, l’expression de fortes exigences. Les jeunes diplômés l’ont compris. Ils savent désormais ce qui, d’office, les élimine lors des recrutements. Certains ont même trouvé une astuce pour ne plus subir ce qu’ils qualifient d’injustice. Ils fabriquent une ou deux expériences qu’ils insèrent entre les lignes de leur curriculum vitae (CV). Ainsi, ils sont au moins assurés de rencontrer les recruteurs.

Est-il surprenant de voir tant de jeunes diplômés au chômage au pays du fromage alors que le manque d’expérience n’en est qu’une raison parmi d’autres jusqu’ici ignorées ? Le système de recrutement est lui-même fait de sorte que les jeunes diplômés soient en marge. En l’analysant bien, on comprend. Il y a, en général, deux voies qui permettent d’effectuer une demande (emploi, alternance ou stage) aux recruteurs. La première voie, qu’on qualifierait de semi directe, consiste à déposer sa candidature de manière spontanée ou en réponse à une offre formulée sur le site internet de l’entreprise convoitée ou via des sites web spécialisés dans les annonces de type offres d’emploi. La candidature parvient à la direction des ressources humaines (RH) de l’entreprise qui l’étudie et décide de convoquer ou non le postulant à un entretien physique. Si celui-ci est concluant, le candidat reçoit une proposition d’embauche. Le problème est que les départements RH d’entreprises recourant à cette méthode sont souvent trop occupés à gérer les salaires, les horaires, les congés, les absences et les départs de leurs nombreux personnels, de là à leur confier en plus le recrutement, ils se retrouvent vite sous pression. C’est pourquoi, pour ne prendre aucun risque, leur choix se porte plus souvent sur des demandeurs expérimentés.

Indirecte, la deuxième voie est sans aucun doute la plus utilisée. La candidature est toujours déposée en ligne soit en mode spontané, soit pour répondre à une offre précise, à la seule différence que tout se fait sur le site web du cabinet de recrutement servant d’interface entre le client (l’entreprise) et le postulant. En première étape, les demandes sont centralisées et traitées par le biais d’un logiciel qui trie les CV selon qu’ils contiennent un pourcentage voulu de mots clés cités dans le texte de l’offre. En second lieu, les consultants RH se chargent d’étudier les CV présélectionnés et de faire passer un entretien oral aux candidats choisis. Les candidats retenus à l’issue de ces phases sont mis en contact avec l’employeur. Cette méthode partiellement automatique est loin d’être fiable, en ceci qu’elle ne mesure pas assez la cohérence qu’il peut y avoir entre les CV et le poste en terme de fond, et non pas spécialement de forme (lexique utilisé). Par ailleurs, beaucoup de consultants RH ne sont pas spécialistes du domaine où ils ont la lourde tâche de recruter. Il faut voir en cela le fait qu’ils n’ont pas, comme certains spécialistes reconvertis dans la gestion des ressources humaines (GRH), la capacité de comprendre les profils spécifiques et, donc, de faire le lien entre ces derniers et les postes à pourvoir. Ce tâtonnement parfois ressenti dans leur discours aux candidats au cours des entretiens le confirme plus ou moins. Partant de cette analyse, certains aspects de leur travail méritent d’être remis en cause. Ici aussi, les jeunes sont victimes de l’injustice de l’expérience.

Bien qu’étant une offre de services répondant au besoin des entreprises à taille humaine relativement considérable de décharger leurs départements RH des missions de recrutement tout en les optimisant, le consulting RH ne semble pas adapté pour le traitement des candidatures particulières. En outre, la sélection des candidatures de façon automatique n’est pas sûre car elle néglige un aspect très important des CV : le contenu général. Dans l’une ou l’autre méthode de recrutement, les profils avec une expérience significative sont les plus ciblés. La voie directe des bonnes vieilles pratiques où chefs d’entreprises et demandeurs d’emploi peuvent échanger sans protocole autour des enjeux de leur activité et se lier par un premier contrat qui s’appelle la confiance, les premiers ayant su reconnaitre chez les deuxièmes la perle rare qu’ils recherchent n’est-elle pas celle qui met tout le monde (confirmés et débutants) sur la même ligne de départ ?

 


Me voici donc à « Mbenguè » et alors ?

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Mbenguè ou Mbeng, c’est ainsi que nous, Africains, appelons communément l’Occident, et plus particulièrement la France. Mbenguè est plus utilisé en Afrique de l’ouest tandis que Mbeng est propre au Cameroun. Le mot vient de la langue douala et est aujourd’hui employé dans le camfranglais (argot camerounais à base de français, d’anglais et de langues locales). Les Mbenguistes ou les Mbengueters (du camfranglais) sont donc ceux d’entre nous qui ont la grâce (la chance, c’est peu dire) de vivre en France ou plus généralement en Occident. Je suis Mbenguiste depuis déjà un mois et pourtant je n’ai pas l’impression de vivre la grâce à laquelle je m’attendais. La grâce que la plupart de mes frères du continent s’imaginent qu’on va acquérir en foulant le sol de Mbenguè. Certes, il y a en arrivant dans ce prétendu eldorado, tous les signes d’un paradis véritable. Je parle de la propreté de l’environnement, de l’extrême organisation des choses, du niveau élevé du développement aussi bien infrastructurel que social, de la facilité et du caractère pratique des services dont on a besoin au quotidien comme le transport, la banque, l’hôpital, etc. Mais tout ceci n’est en fait que le reflet du décor proprement dit. Une image tellement belle et sophistiquée de la réalité, que nous, pauvres Africains, ne pouvons qu’aimer et convoiter. Normal que cette représentation nous fasse rêver car le fait de ne pas la comprendre suscite notre curiosité. Nous n’avons pas chez nous des symboles aussi parfaits qui nous permettent de faire le rapprochement avec un tel chef-d’œuvre. Quand bien même, nous aurions ces moyens de déchiffrage, nous n’aurions pas les ventres suffisamment pleins pour que nos cerveaux puissent saisir la beauté complexe de Mbenguè.

Si je dis que Mbeng malgré ses constructions hallucinantes, son réseau de transport en commun hyper développé, son système de sécurité sociale actif, ne constitue, hélas, pas une grâce pour nous, c’est pour trois bonnes raisons.

D’abord, la vie est moins facile pour nous qu’on ne le croit sous les tropiques. En côtoyant certains de nos frères sur place j’ai pu le réaliser. Ils doivent parfois cumuler 2 à 3 boulots de merde (c’est ainsi qu’ils les qualifient) voire plus pour parvenir, en fin de mois, à régler leurs factures et transférer à leur famille restée au continent un petit quelque chose, le prix de leur tranquillité intérieure. Comme ça, ils ont au moins la conscience soulagée à l’idée que ce qu’ils exercent comme activité leur permet d’aider leurs proches. Et puis, de toute façon, ils n’ont pas trop le choix car en s’envolant vers ce monde merveilleux, ils ont scellé avec ces derniers un pacte sacré. Ce contrat doit juste être respecté. Les détails liés à son respect n’intéressent personne de l’autre coté.

Deuxièmement, les conditions suivant lesquelles nous arrivons à nous installer de nos jours en Mbeng nous demandent de pratiquer au moins un art martial. On a 4 possibilités. C’est soit le contrat de travail ou de stage, soit les études, soit le partenariat domestique avec un natif, ou soit la course avec les forces de l’ordre. J’ai eu un assez bon aperçu de la troisième possibilité récemment en honorant l’invitation d’une de mes sœurs. Elle vit avec son époux français et leur enfant dans un appart sympa. Elle l’a rencontré lorsqu’elle achevait sa troisième année de course avec les forces de l’ordre. Trois années durant lesquelles sa compatriote, en situation régulière, chez qui elle logeait, lui a fait voir de toutes les couleurs. Elle était venue en France pour étudier mais ça n’a finalement pas marché pour elle. Du coup, elle a décidé en accord avec sa famille de rester. Sa chambre de 9 mètres carrés, elle la louait à 450 euros par mois. Certains mois, comme par hasard, la propriétaire oubliait de régler le paiement de sa facture d’électricité. Elle se retrouvait alors plusieurs jours dans le noir. « Imagine-toi ce qui pouvait m’arriver si je n’avais pas attrapé mon gars ! », se confie-t-elle.

Troisièmement, nous sommes privés d’une vie sociale véritable à Mbenguè. Je sais que si je lâche ces paroles en live à certains de mes frères, ils prétendront le contraire ou me proféreront des menaces. Et leur réaction ne sera pas surprenante car il y a dans ces paroles une vérité poignante. Elle m’interpelle et je ne peux taire ce que j’observe ou ressens. Ce que j’observe est bien trop triste pour que je me taise. Aussi ne pas me taire n’est pas synonyme de vouloir juger mes frères car les juger serait une chose assez complexe. Ils sont probablement les seuls à saisir le bonheur d’une alliance basée sur la garantie d’un titre de séjour. Les seuls à comprendre ce qu’ils tirent comme épanouissement dans une vie fermée et de méfiance où ils évitent tout contact avec leurs frères, de peur que ceux-ci n’envient leurs charmantes possessions. Les seuls à savoir apprécier le plaisir d’une vie où ils passent parfois des années entières sans avoir de relations amoureuses parce que les opportunités de rencontres se font rares.


Nouveau départ, nouveau cauchemar

Départ, aéroport de Sofia

A peine je foule le sol de Vienne – où est prévu mon transfert de vol – cet après-midi que je regrette déjà de quitter Sofia, mon dernier chez-moi. Sofia, elle-même, ses pratiques, le style de vie un peu libertin mais plaisant qu’on adopte en y séjournant, les Sofiotes, et surtout la gente féminine, cette crème des crèmes, bouillie des bouillies 🙂 , toujours bien fringuée, jolie de chez jolie, bref, du 24 carats, si vous voulez qu’on parle comme des bijoutiers, tout ça me manque terriblement. Moins la légère gêne qu’on y ressent souvent à la rencontre de personnes quelque peu réticentes, peut-être à l’idée que le monde puisse être fait de contrastes, Sofia est un havre de paix, en tout cas, elle l’a été pour moi.

Dans cette ville mouvementée, j’ai éprouvé du plaisir à vivre toute une année, une année riche. Après cette année, je sais que, pour moi, rien ne sera plus jamais comme avant. Car les personnes dont j’ai fait la connaissance – sans vouloir insinuer qu’il n’en y aura plus de semblables dans ma vie – sont irremplaçables. Chacune d’elles, avec ses différences, a contribué à ce que le groupe que nous avons formé au cours des douze derniers mois à Sofia en général, et à l’IFAG en particulier, soit composite, et je pense que c’est ce caractère pluriel qui, moi, m’a donné le sentiment de m’enrichir au contact des autres.

Le partage de cultures n’est pas la seule richesse de cette aventure. Il y a aussi et surtout le fait que sa mission a été accomplie. Effectivement, personne n’a été recalé dans la promotion et presque tout le monde a décroché le stage rêvé ou une copie 🙂 . La saison que j’ai le plus vénérée est, sans le moindre tâtonnement, l’été. Oh l’été ! Non pas que l’hiver et sa neige me déplaisent, l’été est un moment béni en Bulgarie. Bon, il est vrai qu’on peut sentir Monsieur le soleil en personne descendre sur terre, mais il existe un effet compensatoire à tout ça : on mate les filles cuire, luire dans leurs tenues sans retenue. Faut forcément y être pour savoir comme c’est agréable de les découvrir sous cette nudité déguisée.

L’été est aussi le temps idéal pour descendre des bouteilles de bière. Et la bonne nouvelle c’est qu’en Bulgarie, la bière prend des contenants hallucinants. Le choix peut aller jusqu’à la bouteille de 2 litres. La taille des bouteilles n’est pas la seule chose étonnante avec la bière, il y a aussi le fait qu’on peut la boire partout (dans le bus, dans la rue, etc.) sans risquer de se faire interpeller par qui que ce soit.

En plein vol donc vers mon nouveau chez-moi, il me revient en mémoire ce sympa moment d’échange la veille avec mes amies kazakhes. Il parait que le Kazakhstan est un beau pays, de par sa nature, ses montagnes constamment colorées de vert, ses femmes (mmm !) qui sont de véritables cocktails de traits asiatiques et européens. Elles ont les yeux légèrement étirés, la taille de guêpes européennes, les cheveux d’ébène et au moindre sourire, leurs fossettes se creusent en mettant en évidence leur beauté naturelle. Ok, j’arrête la divague là. Je disais tantôt qu’elles et moi nous sommes réunis autour d’un petit repas, spécialité de chez elles soigneusement concoctée pour célébrer mon au revoir. En dégustant, nous lançons des divers où, à tour de rôle, chacun de nous présente les singularités de chez lui. Internet à l’appui, on s’attarde d’abord sur la variété des fruits. Des fruits, on passe aux spécialités culinaires. Et c’est alors qu’elles me font savoir que leur plat national, consommé plus souvent à l’occasion du nouvel an, est préparé à base de viande de cheval. Après on sirote le thé, une autre habitude quotidienne chez elles.

Arrivé au pays de mes ancêtres gaulois, je suis accueilli par un ami que je n’ai pas revu depuis quatre ans. Il arrive non seulement à l’aéroport une heure avant moi mais en plus il se trouve au mauvais terminal lorsque mon avion atterrit. Il m’appelle alors pour savoir ma position effective. Malheureusement pour moi, mon téléphone ne dispose pas d’assez de crédit pour tenir pendant l’appel en roaming. Par la suite, le gentil homme à la cabine de renseignements se propose de m’aider en téléphonant à mon hôte et en lui indiquant où venir me chercher. Après une petite marche du terminal 2 au CDG Val, je le rencontre enfin. L’émotion est à son comble. On se demande réciproquement comment on va, ce qu’on fait, ce qu’il y a de nouveau dans notre vie sociale. Aussitôt s’amorce la machine du transport en commun : métro, train. Dans les montées et descentes, j’ai encore un petit souci à gérer, mon sac à 20 euros, qui n’a pas attendu que je l’utilise, ne serait-ce que pour une petite fraction de cette valeur, avant que ses roues et ses cordes ne cèdent toutes en même temps.

Gare Saint Lazare. Dès qu’on y arrive, on se presse devant une machine qui absorbe de l’argent par un trou et vomit des billets par un autre. Ensuite, c’est la bouffe chinoise, plutôt rapide comme restauration et surtout facile à emporter. A bord du train de Rouen, après un petit sprint sur le quai, on déguste du riz, des nems, des boulettes de viande imbibées de sauce sucrée. Petit autre instant de panique : mon ami a oublié de composter (ou de me le recommander) mon ticket après l’achat, mais, ouf, le contrôleur nous fait réaliser que la machine l’a fait elle-même. 22 heures : une petite pluie nous accueille sur Rouen. Mon ami m’aide à trainer mon sac jusqu’à son appartement. Aussitôt installé dans la chambre, direction Facebook où j’actualise mon statut et réponds aux messages de quelques proches. L’installation se poursuit d’abord avec la bière à la maison, puis dans un petit café sympa avec une sorte de potion magique préparée par un Algérien qu’il connait personnellement maintenant à force de commander encore et encore le même médicament de nuit 🙂 .

Retour sur Paris le jour suivant. Mon ami doit me quitter car le boulot l’appelle. J’ai un souci de moins avec ma valise que j’ai remplacée par la sienne. Mais reste à gérer ma frousse à l’idée de circuler tout seul dans la ville, dont le référentiel m’échappe encore. Puis il y a cette petite voix qui me chuchote intérieurement que je n’ai rien à craindre, que c’est quand même moi, le voyageur 🙂 . Je me démerde comme un chef jusqu’à parvenir à la gare de Montparnasse d’où j’embarque pour Angers. Arrivé à la gare d’Angers, je suis reçu par une dame très sympa de ma structure d’accueil. Elle me précise tout de suite qu’avec elle c’est mademoiselle qui marche et non madame. Angers semble être une petite ville. On ne met pas plus de 5 minutes en voiture pour atteindre l’entreprise. C’est l’heure du déjeuner. Tout le monde est à table lorsqu’on arrive. Présentations et blagues à la française, histoire de me mettre dans le bain. Je joue au bonhomme courtois, sérieux, vous savez, un de ceux-là qui pourraient presque faire croire qu’ils ne se sont jamais léchés le doigt en mangeant.

Je suis ensuite conduit dans ma chambre, juste à l’étage. On me fait faire le tour des lieux et je me trouve à nouveau seul entouré par quatre murs. Toujours ce sont les souvenirs de Sofia qui reviennent dans ma tête et je me demande alors si j’ai bien fait de quitter mon ancien chez-moi.


Le bon choix

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Un jour on fonce, un autre jour on se retient. On a envie d’une chose aujourd’hui et demain, on n’en a pas envie. On mène notre vie comme si elle était un livre qu’on ouvrait chaque jour et dont on se contentait de ne lire que la page sur laquelle l’on est, par hasard, tombé. Les jours s’enchainent, les pages aussi. La même page revient parfois au fil du temps. Ce qui importe, au bout du compte, c’est de parcourir le livre dans presque toutes ses pages.

Pourquoi foncer ? Pourquoi se retenir ? Il y a avant tout quelque chose qui nous attire. Un détail. Un reflet que nous seuls arrivons à percevoir. C’est en lui que nous trouvons les motivations nécessaires pour décider de faire ou pas faire une chose. Le miroir peut nous renvoyer un aspect du contenant ou du contenu. Vouloir qu’une femme entre dans notre vie parce que la première fois qu’on l’a regardée, on a été saisi par la couleur de ses yeux, la forme de ses jambes, son sourire ou encore son style vestimentaire. S’investir dans l’écriture parce qu’on ressent chaque fois qu’on tient dans sa main une plume le poids d’une petite responsabilité, celle de contribuer au traitement des sujets qui préoccupent notre société.

Mais s’engager n’est que le début de toute une aventure. Une aventure que l’on soupçonne très souvent de tirer à sa fin. Par des points d’interrogation, un silence, une pause, c’est le doute qui s’installe. Il peut nous détourner, nous induire en erreur en nous poussant à renoncer à ce qui aurait bien pu être notre bonheur. Tout comme il peut nous révéler, en nous enveloppant de son gluant, la stérilité ou le caractère destructeur de ce que nous vivions déjà. Tout compte fait, sans cette courte évaluation, il nous est difficile voire impossible de savoir, en cours de chemin, si foncer ou se retenir s’avérait être la bonne décision.


J’étudie ou je crève la dalle

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Alors que je n’étais encore qu’un enfant, un ignorant au carré, l’on m’a fait découvrir un lieu qu’on disait être un autre chez-moi. D’emblée, l’idée de côtoyer ce nouveau refuge, ce nouveau chez-moi m’a effrayé, mais par la suite j’ai dû m’y plier parce que de toute façon je n’avais pas trop le choix. Je ne pouvais ne pas rendre la pareille à ma mère qui me faisait toujours un grand sourire en m’accompagnant chaque matin après avoir rempli mon cartable de délicieuses friandises. Encore moins rester de marbre sous les paroles de mon vieux qui me bourrait le crane à propos de ce que cette chose miraculeuse allait plus tard faire pour moi, quand je serai devenu plus grand. Et le temps a passé, et je suis enfin devenu grand. J’ai connu plein d’autres chez-moi. J’ai bravé toutes les étapes, les épreuves – du moins la majeure partie – auxquelles chacun d’eux pouvait me contraindre. J’ai même pris quelques égratignures, notamment lorsque j’ai dû abandonner ma première maison pour m’installer à plusieurs miles de là, dans mon tout dernier chez-moi.

Je vais vous dire, j’ai pris plus que des égratignures. Non seulement je n’ai pas vu ce que ces nombreux chez-moi, dont je suis incapable de me rappeler les noms de certains, ont fait pour moi. Mais aussi et surtout, je ne peux retourner chez moi. En quittant le chez-moi, sous les tropiques, j’ai scellé un pacte, avec mes parents, ma famille. Ce contrat ne s’est pas fait de manière solennelle mais je sais qu’il a existé, qu’il existe toujours dans le cœur de chacun. Il n’y a point de jour où je ne m’en souviens. Le pays de la neige m’a accueilli et m’a forgé pendant les derniers neuf ans de ma vie. D’aucuns pensent qu’il m’a transformé au point où je me refuse à présent de fouler à nouveau le sol de mes origines. Parce que je ne serais pas prêt de renoncer à ses multiples faveurs : la neige ( 🙂 ), le métro, les aides sociales, le beurre du boulot. Parce que je bénéficierais d’une condition meilleure voire privilégiée. Ce qu’ils ignorent c’est que j’étudie, j’étudie toujours. Au lieu de cinq années d’études, je me retrouve en train d’en faire neuf. Je cumule à ma pile de diplômes un deuxième master. Je postule à mon énième programme de bourses. Je ne le fais guère par passion pour l’invention de Charlemagne. Je suis juste tenu de le faire ou je crève.

Donc à ceux-là qui ont tout faux sur moi, je réponds que je n’ai rien à me reprocher. Parce qu’au moins je travaille, peu importe si c’est en lisant mes notes de cours, en consultant des livres à la bibliothèque, en contribuant aux travaux dirigés ou en me faisant évaluer par le professeur, l’essentiel c’est que je reçoive mon aide financière, j’aie mon logement sans lesquels je ne peux survivre. Et même, tout bien réfléchi, la différence entre le travailleur et moi se joue à un mince fil. Il a son salaire, ses jours de repos, sa promotion, moi, j’ai ma bourse, mes vacances, ma remise de diplôme. A la maison, mes parents ne cherchent pas à en savoir davantage sur ma situation tant que je peux servir à résoudre un nouveau petit problème. Quand ils survolent la question, je les rassure en disant : « Écoutez, je viens de passer un entretien d’embauche très prometteur, je pense pouvoir commencer bientôt, je vous appelle quand tout est OK, hein ! »


La routine bulgare vue de mes lunettes

Sofia, Studentski grad en hiver

Mes excuses les plus sincères à ceux qui me lisent d’habitude, je ne sais pas si c’est judicieux de les appeler mes lecteurs et si j’en ai d’ailleurs. Sur cet espace, je raconte un tas de choses qui peut-être passent à côté de leurs attentes, de ce qu’ils priorisent. A quoi ça sert d’écrire si ce que l’on produit n’est pas partagé ? Vous comprenez bien que je suis tenu de vous servir ce tas de foutaises, si j’espère avoir du feedback. Excuses surtout pour avoir omis de vous présenter la routine dans ma nouvelle ville, planter le décor comme on dit.

Sofia, c’est comme ça que ça s’appelle. J’y mène une vie animée d’un tout autre élan. L’environnement, les personnes, les pratiques sont nouveaux pour moi. Là encore je dois faire preuve d’adaptation, de tolérance et c’est en cela qu’on gagne lorsqu’on vit à l’extérieur. C’est une chance pour moi de connaitre un monde de plus, une culture de plus. C’est une chance car nul ne pourrait démontrer qu’un acquis de plus dans une vie est un acquis de trop. Quoique les circonstances ne soient pas toujours heureuses pour le ressortissant étranger. Je vis dans un immeuble de huit niveaux doté d’un ascenseur. J’aimerais vous dire qu’il est hyper chouette cet ascenseur, mais hélas…! Des bâtiments comme le mien, y en a plusieurs dans ce quartier, baptisé « cité des étudiants ». Mes habitudes ont pris un gros coup comme je le disais tantôt. Ici c’est certainement pas les coins de bouffe qui manquent. Y en a dans toutes les directions, à toute position, à la sortie du bus, des classes ou même du night-club. Mais on s’empiffre de bouffe hyper sucrée, salée ou grasse. On a le choix entre le kebab (spécialité turque), le hot-dog, les pommes frites, le poulet (toujours le poulet !), le riz (beurk!), les soupes, potages ou quel qu’autre nom qu’on leur donne ici. J’ai aussi découvert le yaourt bulgare, légèrement salé, on l’accompagne le plus souvent d’un sandwich. Les végétaux (tomate, salade, carotte, etc.) n’ont quasiment pas de goût pour moi. Et l’on osera dire que l’homme ne vit pas pour se nourrir !

La vie coûte 2 fois moins chère qu’en France. Mais cela n’empêche pour autant que l’on ressente son poids. Et ceci n’est pas vrai que pour les immigrés, il l’est aussi pour les natifs. On l’observe dans le bus, notamment en trouvant sur des sièges des tickets laissés volontairement par des passagers. Les successeurs de ces derniers s’en procureront en vue de satisfaire leur besoin. Vous comprenez que disposer de 1 lev (soit l’équivalent de 0,5 euro) pour le transport n’apparait pas ici comme une évidence pour tous. Puisqu’on est dans le bus, pourquoi ne pas en profiter pour vous relater son histoire. Le bus est un lieu mobile où l’on peut se recueillir. Déjà il faut travailler sa vitesse quand on l’utilise comme moyen de déplacement. Le chauffeur patientant rarement. A bord du bus, les regards se croisent à peine, sauf si vous vous appelez « Black ». Les gens s’occupent soit à lire des magazines ou revues, soit à écouter de la musique. Occasionnellement, un couple de jeunes s’adonne aux baisers et câlins. Ce qui n’est un spectacle pour personne. Tous ont les yeux et l’attention scotchés à ce qu’ils ont choisi de faire. Cette attitude à la de-quoi-je-me-mêle est foutrement typique au peuple bulgare. Je me souviens encore de cet homme dont la voiture était tombée en panne au beau milieu de la route. Essayant tout seul de la ramener au bord de la chaussée. Et n’envisageant pas une seule seconde demander de l’aide aux passants ou autres usagers.

Côté distraction, c’est la totale ici. Les Bulgares passent plus de temps au-dehors que chez-eux. Après le boulot, ils aiment diner en compagnie de leur compagne, de leur famille ou de leurs amis au restaurant. Vous allez tous les jours de la semaine dans un restaurant ou café, à des heures libres, c’est quasi-certain que vous trouverez du monde. Sans doute une manière pour eux d’évacuer le stress de la journée et de profiter de la vie. Dans la cité estudiantine, on a également tout un carré où se regroupent un max de discothèques. Quelques unes, à l’instar de Jim Bim, offrent même des soirées « black and white ». La danse se pratique généralement en mode Tchalga. A l’intérieur, des danseuses déguisées en pom-pom girls vous retiennent grâce aux généreux mouvements de leurs formes et vous incitent à consommer davantage de la vodka ou de la bière.

En revanche, il y a des coups durs à surmonter surtout quand on vous fait vous rappeler que vous êtes différent. Ça fait mal mais « es la vida !». Ce n’est déjà pas la joie avec l’usage du coriace Bulgare, le froid extrême (on a atteint une fois -10°C) dans lequel on vit ou les regards à la limite gênants qu’on subit en entrant dans le bus. Mais qu’en plus l’on vous fasse savoir par des gestes, des actes que vous n’êtes pas là où vous êtes censé être est une chose particulièrement douloureuse. Je préfère ne pas en parler plus longuement, ça me fait trop de la peine.

Francoperen pour vous servir, agréable lecture !


Petits secrets de la vie à l’IFAG

Dans le bus

Déjà 2 mois jour pour jour dans la cité bulgare, à cheval entre le lieu dit «Studentski grad» et ma raison d’être au cœur de l’Europe orientale, l’Institut de la Francophonie pour l’Administration et la Gestion (IFAG), un authentique promoteur de l’usage du Français dans la région. Deux lunes donc qui s’achèvent pour moi et mes compagnons de la promotion 2011/2012 de la manière la plus significative qui soit, avec la première série d’hostilités du programme.

Vivre à Sofia et fréquenter la prestigieuse école de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) qu’il abrite suscite déjà chez certains d’entre nous des sentiments, des émotions. Revenons tout d’abord sur la routine matinale, qui consiste à rejoindre le bus que nos hôtes ont mis à notre disposition en vue de faciliter notre déplacement du campus universitaire à l’institut. Tous les matins, le petit groupe a jusqu’à 8 heures pour se constituer entièrement. Et ça se voit qu’il y a, entre les uns et les autres, des liens de solidarité qui se créent ou qui se sont créés, notamment lorsqu’un étudiant téléphone à son voisin de chambre pour l’inciter à se dépêcher de venir avant le démarrage du bus.

 

En salle d'examen

Une fois dans les locaux de l’école, les étudiants s’empressent de vérifier le babillard du rez-de-chaussée pour prendre note des infos datant du jour. Ensuite ils regagnent leurs salles respectives au premier étage. Trois classes au total à l’entrée desquelles on peut lire les indications suivantes : «Master en Economie Sociale et Solidaire», «Master en Sciences de Gestion» et «Master en Administration des Entreprises». Tout de suite après, lorsque les affaires que l’on tenait ne constituent plus une sorte d’encombrement pour les mains, l’on se rend à la cafète. Au choix, on sirote un café noir, un café au lait ou un thé en faisant un brin de causette avec les camarades pendant la trentaine de minutes restantes.

La première séance avec chacun des enseignants dont bon nombre, il faut le noter, viennent d’universités étrangères diverses (France, Belgique, Canada, etc.) commence presque toujours par une présentation mutuelle. Après que le professeur a ouvert le bal, c’est aux étudiants de continuer l’exercice où l’occasion est donnée à tout un chacun de partager avec les autres qui il est, quelle formation initiale il a reçue et ce que l’IFAG apportera à son projet professionnel. Et au professeur de conclure alors en rappelant – presqu’en rougissant – combien il est enchanté de pouvoir contribuer à cette belle et riche expérience (âgée bientôt de 16 ans) en dispensant sa matière aux 22 nationalités que nous représentons.

Pour relaxer, on dispose d’une pause de 30 minutes entrecoupant le cours. C’est une pause qu’il conviendrait bien d’appeler pause-café-cigarette car les ifagiens l’utilisent généralement à ces deux fins. La pause est aussi le laps de temps où les étudiants peuvent profiter de la petite visite de courtoisie que leur rend le mec le plus cool du staff administratif (réservons nous de ne citer ici aucun contemporain). Chargé des relations extérieures et du partenariat à l’IFAG, ce dernier réussit à nouer, par sa simplicité, sa serviabilité et sa disponibilité, des rapports positifs avec l’ifagien lambda. Chose on ne peut plus justifiée quand on se rappelle qu’il y a plus de 2 mois de cela, il était au four et au moulin pour que les 70 que nous sommes voyagions en toute tranquillité jusqu’à Sofia. Ces paroles d’ifagiens reconnaissants le témoignent encore : «quand on étudie à l’IFAG, l’homme est incontournable».

Quand on ne se trouve pas dans les locaux de l’IFAG on est le plus souvent en cité. Dans chaque chambre, une paire d’étudiants, associés selon qu’ils partagent un tout petit peu la même culture ou qu’ils ont des affinités. A voir l’ambiance qui y règne, le résultat est plutôt positif. Révision en groupe, partage de repas et soirée animée du weekend ajoutent un peu d’épices à ce cocktail culturel. Et s’il y a un ingrédient pour lequel j’ai une préférence particulière c’est bien la soirée, qui de façon imprévue prend des allures de véritable « party » où chacun apporte un petit quelque chose (boisson, amuse-gueule, etc.) à l’édifice. A la langue française qu’on avait alors tous en commun, s’augmente autre chose, la musique, qui bien que parfois peu familière à certains est dansée de tout le monde.

 

En attente de la bourse

Vivre ces 2 récents mois à Sofia n’a pas eu que des hauts, il y a aussi eu quelques bas. Comme cette période d’examen que nous venons de terminer. Semaine harassante, puisqu’il fallait réviser durement et être suffisamment prêts pour affronter ces fameuses hostilités. Finalement nos efforts sont comme récompensés à la fin avec l’encaissement des bourses qui soulage d’une certaine façon, même si au fond on demeure préoccupés par les résultats. Autre élément difficile à gérer, le froid. Pour nous surtout qui venons des milieux tropicaux, l’approche de l’hiver s’avère rude et quasi-insupportable pour certains. Mais il faut bien s’y habituer. Blouson, gants, bonnet et écharpe sont là pour ça.

 


Une virée à Plovdiv

Végétation intégrée au paysage, vieille Plovdiv

Petite virée samedi dernier, en compagnie de mon nouveau groupe académique à Plovdiv, ville historique, ville culturelle, centre touristique ou, si l’on préfère, deuxième ville de la Bulgarie. La cité européenne, qui se veut être l’une des plus anciennes – si ce n’est d’ailleurs la plus ancienne -, a été empreinte autrefois d’histoires et civilisations plurielles, aujourd’hui emblèmes de richesse ou de valeur dans cette partie du monde.

 

Pavage, constructions en pierres, vieille Plovdiv

A à peine 2 heures de bus de Sofia, Plovdiv est peuplé d’environ 380 000 âmes en 2011. Notre arrivée est plutôt saluée de manière subtile avec ce jeune autochtone qui réussit à chiper le téléphone portable de notre chauffeur. Deux d’entre nous se joignent à celui-ci pour suivre le délinquant mais il se fond dans la nature avant que l’on ne puisse lui mettre la main dessus. Petite séance photos à notre point de chute avant de revivre ou du moins se représenter les faits, les scènes vécus avec leur quasi-décor d’antan. Nous sommes accompagnés par deux responsables de l’école qui nous relatent, pour chaque monument repéré, une histoire captivante.

Dans cette région pittoresque, l’on distingue deux grands ensembles: l’ancienne ville et la nouvelle ville. Nous découvrons la vieille ville d’un regard à la fois interrogateur et fasciné. Premier coup d’éclat : démonstration fulgurante du procédé de production d’un pot en céramique par une artisane plutôt douée. Au fur et à mesure que nous en pénétrons les entrailles, un détail nous frappe : le sol est entièrement recouvert de pierres et roches grisâtres assemblées sous forme de pavage. La plupart des constructions datent de l’époque ottomane, sinon d’avant. La ville s’édifie aussi en architectures symétriques, style qui caractérisa l’éveil national des Bulgares.

 

Musée ethnographique, vieille Plovdiv

L’une des résidences, bâtie en 1847, est aujourd’hui répertoriée comme un musée ethnographique national. Nous avons la chance de visiter ce qui fut à l’époque la demeure d’un puissant homme d’affaires bulgare. D’après la guide, ce dernier aurait entretenu d’étroites relations avec différents commerçants (turcs, grecs, roumains, etc.) qui venaient faire affaire à Plovdiv. Il aurait tout mis en œuvre pour donner à ce lieu spécial où il accueillait ses hôtes businessmen un luxe démesuré. En parcourant l’intérieur de la maison-musée, on reconnait aux pièces leur constante symétrie. Des objets, vêtements, tableaux datant y sont exposés. La maison est quasiment faite en noyer. Le plancher et bon nombre de murs sont revêtus de tapisserie. L’accès à l’étage est assuré par un double escalier disposé symétriquement par rapport à l’ouverture qui donne sur le salon principal, au rez-de-chaussée. Le plafond du séjour, de forme circulaire se combine au jaune des murs pour symboliser l’idée que le soleil fait rayonner la pièce. La visite interne terminée, nous poursuivons en prenant des photos dans la cour, au milieu du splendide jardin où l’unique fille du propriétaire et son copain auraient laissé leur peau. Sombre histoire !

 

Constructions modernes, nouvelle Plovdiv

Avant d’atteindre la ville neuve, nous avons l’honneur de marquer un arrêt devant une autre villa, celle où Lamartine aurait passé quelques jours dans le cadre de son fameux voyage en Orient. L’amateur de poésie française que je suis vit alors là une montée d’adrénaline. La suite de la virée se consacre à une balade plus individuelle que collective. C’est l’occasion pour les uns de faire des emplettes et pour d’autres de « mettre quelque chose sous la dent ». Rendez-vous à la poste à 16h 30, heure de retour sur Sofia. Je m’y pointe 30 minutes plus tôt en compagnie d’un camarade.

 

Œil de Plovdiv, nouvelle Plovdiv

Attirés par la beauté remarquable de la structure de jet d’eau qui s’élève droit devant nous, nous nous en approchons avec l’intention de prendre une photo. Soudain nous nous retrouvons assiégés par une armée de jeunes bulgares. « Can I take a picture with you ? », nous demande, tout excité, l’un d’entre eux. Dès que nous répondons favorablement au premier et que la prise se fait, près d’une quinzaine d’autres s’empressent de faire autant. Et le sentiment dont je suis rempli pendant ces moments de partage intense est que l’œil de Plovdiv nous observe.

 


Périple vertigineux à Sofia

Ambassade de Bulgarie à Abuja

Par quelle étape commencer ? Quel pas marquer ? Avec quelle veste me vêtir (y en a tellement eu à enfiler ces récents moments) ? Comment les présenter, ces expériences si différentes les unes des autres, toujours plus riches de rebondissements, et qui au rythme de la flamme d’une bougie subissant les perturbations du vent dans l’obscurité, décrivent des courbes de niveau tantôt croissantes, tantôt décroissantes, sans que le processus ne puisse se stabiliser. Ça y est, je me lance, peu importe le bout de souvenir qui sera craché en premier, je vais tâcher de contourner entièrement les faits qui ont animé ma drôle de vie depuis quelque temps. Tout d’abord, y a que, j’ai dû quitter le quasi-chez-moi que Ouaga était déjà devenu, renonçant à tout ce qui y faisait déjà mon quotidien, pour faire allusion ici à mes amis, mes « compagnons de galère » tel qu’on le dit au Mboa de Florian NGIMBIS – sacré, ce fameux Florian, prenez votre mal en patience, vous saisirez le pourquoi plus loin ! –, en grande majorité les camarades que j’ai eus ces trois dernières années en fréquentant l’institut 2iE. Ça n’a donc pas été « du beurre » que de tirer un trait sur les secondes natures que j’avais déjà acquises en vivant avec ce beau et sympathique monde. En le quittant j’ai le cœur inondé de regret, de nostalgie et de peine. Regret de devoir me faire à cette triste idée. Regret de ne plus pouvoir me déplacer à ma guise sur un « char ». Regret de ne plus pouvoir consommer le succulent mets burkinabé composé de lait caillé et de mil, connu sous l’appellation de déguè. Nostalgie des soirées mouvementées et délirantes dans les maquis où de la bière coulait à flot et après lesquelles les amis compatriotes et moi passions des heures de discussion pour déterminer lequel d’entre nous avait été le plus ridicule car plus pinté que les autres ou alors le plus résistant. Nostalgie des agréables sensations que m’a procurées pendant un moment où j’en avais grandement besoin ma tendre amie Carine. Peine de ne pas être en même de permettre à tous ces simplificateurs d’existence de continuer d’être. Peine enfin de ne pouvoir susciter le minimum de compréhension escomptée en annonçant mon au revoir à ces personnes a priori tourmentées à l’idée que je disparaisse (rassurez-vous, je suis toujours en vie !).

Départs et arrivées conditionnent donc depuis un certain moment tous mes faits et gestes. La moindre de mes incursions, que ce soit au bercail ou ailleurs à l’étranger est saluée par une chaleureuse bienvenue et est aussitôt bénie par le plus beau des adieux. Ainsi la page Ouaga s’achève en même temps que s’ouvre celle d’une nouvelle aventure qui réserve, à en apprécier les tous premiers clichés, davantage de plaisir. La mise en route de ce nouveau projet à Sofia en Bulgarie m’aura fait baver de toutes les manières. Douala, théâtre principal de la longue série de péripéties qui vont caractériser mon départ pour l’Europe de l’est. A mon arrivée je suis reçu comme un héros national, enfin à l’échelon familial. Rien d’anormal, le jeune ignorant et débutant que j’étais en partant trois ans plus tôt a bravé un certain nombre d’épreuves essentielles de sa condition d’homme et cela peut se mesurer à l’aune du précieux papier qu’il a ramené de sa mission. J’ai consacré la première semaine aux retrouvailles avec les miens et à la relax.

Pour recueillir mon visa bulgare, j’ai dû me rendre en terre des Super Eagles car je n’avais pas trop le choix. « Cameroon is a great country, but there are not many european embassies there and it’s so because people there are not credible… », m’a lâché un Ghanéen lors de mon transit à l’aéroport de Lagos. Quand on vous débite ce genre de paroles et que vous êtes habité par un sentiment patriotique, vous ne pouvez ne pas réagir. Mais comment réagir dans un cas aussi flagrant que celui du pays des grandes réalisations. Réagir pour le fond ou pour la forme finalement ? Initialement, j’envisageais de passer par le Maroc. Douala – Yaoundé est donc la première étape de ce périple vertigineux. Mon passage à Yaoundé vise un intérêt : le visa marocain. Comme par hasard un intérêt en entraine un autre, à la gare routière de Mvan, je tombe sur une gentille Camer1 qui veut bien me servir de guide. Arriver à Yaoundé et emprunter un taxi de la gare jusqu’à mon lieu de séjour a toujours été pour moi une équation de trop à résoudre. Et mon hôte changeant à chaque fois, je suis toujours contraint de me renseigner auprès des résidents qui sont en train de « stopper » un taxi. Cette fois-ci j’ai du bol – c’est ce que j’ai cru au départ avant qu’autre chose ne se soit laissé insinuer -, j’ai une guide pour moi. Nos destinations convergent. Elle me propose de passer par Mokolo, son terminus à elle. De là, je pourrai rejoindre ma destination finale contre pièce2. La proposition me séduit à 100% car elle s’avère économique. Le premier taxi que nous stoppons nous accepte. Le trajet n’a rien d’ennuyeux car elle réagit positivement aux grains que je lance. Je dirais même qu’elle les picore avec appétit. Nous n’avons donc aucune difficulté à échanger sur nos identités, nos occupations et surtout la raison de mon voyage. Intéressante, la conversation n’est pas encore achevée que nous arrivons à destination. Je réussis à la convaincre de prolonger cette rencontre-à-fleur-de-retrouvailles quelque part, dans un endroit calme et relaxant où nous pourrions par la même occasion étancher la grande soif que le voyage nous a infligée. Après un premier verre, il s’en suit un deuxième, puis un troisième et tous les effets d’un dernier dans ce paradis de Mini-Ferme. Ma première nuit dans la ville aux sept collines est ainsi pointée. En même temps je confirme ce que me disaient les Compats3 à Ouaga. Je wanda4 même ! Tu débarques au Mboa, pour peu que tu fimba5 à quelqu’un qui comot6 du ventre de l’oiseau (pour désigner l’avion), les abeilles camerounaises te collent dessus comme si c’était une affaire extraordinaire. Et comme si ça ne suffisait pas les gars du téqua7 se mettent en tête que tu as forcément ramené avec toi un sac de blé. Alors que le gosse d’autrui a lui travel8 pour poursuivre ses études. Wandaful balaba9 !

Jour suivant, descente à l’ambassade du Maroc à Bastos. Je collecte toutes les informations afin de compléter mes pièces manquantes et d’y retourner le lendemain. Tout se fait avec le plus grand des enthousiasmes ce jour car la soirée annonce une rencontre choc avec un mondoblogueur tout à fait particulier. Début des hostilités : 17h 30 au quartier Efoulan (si vous vous souvenez de l’article où ce phénomène dévoilait le fonctionnement pas très catholique du centre de santé public du coin). De mes propres yeux, j’ai l’occasion de constater ce bordel en passant. Prise de contact donc assez aisée, je dirais même qu’on se retrouve, vu qu’on s’est réciproquement connu auparavant, en s’immergeant chacun dans les écrits de l’autre. Bien que nous ayons des cursus d’études complètement opposés, un détail nous unit, ce faible pour la littérature française que j’ai et que lui aussi a. Nous nous le révélerons d’ailleurs au cours de la conversation garnie du dénominateur commun des Camer, la bière. Et comme me disait récemment un ami Togolais, la vérité se trouve dans le verre. Florian et moi parlons de tout ce qui nous passe par le cœur : les histoires du groupe, les réalités du Mboa, ainsi que des circonstances qui nous sont personnelles. Dans ce dialogue profond, nous nous passons à tour de rôle les casquettes d’élève et de maitre. Et je me rappelle particulièrement l’un de mes statuts d’élève très assidu assumé quand Florian s’est mis à me souffler des conseils utiles pour réussir une nouvelle littéraire. « La nouvelle est comparable à la cola, en ce sens qu’elle doit laisser un goût indélébile à celui qui la consomme… », me déclare-t-il.

Retour précipité à Douala. Je n’ai pas eu de suite favorable à ma demande de visa marocain. Etape suivante : Abuja. Un voyage stressant. J’ai dû le repousser à 3 reprises parce qu’il fallait légaliser avant tout certains documents à l’Antenne du Ministère des relations extérieures. Lundi : RAS. Mardi : je réussis à faire signer mes papiers 2 heures avant mon vol et ce, malgré l’emploi du temps trop chargé de l’autorité qui la veille se trouvait à Bamenda, en pleine campagne électorale. Abuja ne m’accueille que le mercredi, après avoir subi 24 heures d’escale à Lagos. Rendez vous compte qu’après des années et des années d’amitié entre les deux pays, il n’y a toujours pas le moindre vol direct assurant la liaison des capitales politiques. Et je vous épargne les détails sur le prix d’un aller-retour. Depuis les attentats qui sévissent dans le pays des Super Eagles, les aéroports et les endroits publics ont redoublé de vigilance. La preuve, pour passer la sécurité de l’aéroport, on enlève chaussures, ceinture et survêtement, puis on se fait fouiller au moyen d’un détecteur de métal. Mercredi 28, 8h du matin : à peine atterri à Abuja, j’emprunte aussitôt un taxi pour l’ambassade de Bulgarie. La bataille contre l’expression en Anglais commence alors. Je réussis à m’entretenir avec le consul et à déposer mon dossier de demande de visa. Je m’apprête à prendre un taxi pour rejoindre mon hôte lorsque soudain je m’aperçois que mes sous ont disparu de mon sac. Je les avais rangés dans une poche externe après le change et dans la précipitation j’ai omis de les mettre plus en sécurité. J’ai d’abord failli péter un câble. Mais j’ai réussi à respirer lentement afin d’analyser la situation. C’est alors qu’il me revient que j’ai laissé mon sac à la guérite sous ordre des vigiles avant de me diriger vers les locaux du consul. Je retourne donc calmement à l’ambassade où je m’entretiens à nouveau avec les vigiles. Mon anglais n’est en rien un atout pour la situation mais je dois le forcer à l’être. Je m’adresse à eux en partant sur l’hypothèse que j’aurais fait tomber dans leur pièce 10 000 Naira lorsque je retirais mon dossier de mon sac. Sur le coup, ils nient avoir vu quoi que ce soit. Je les menace de soumettre le problème au consul. Ils font d’abord semblant d’appeler ce dernier au téléphone comme pour m’annoncer. En raccrochant le téléphone, ils essaient désespérément de me convaincre de chercher dans un endroit autre que l’ambassade. Mais je persiste dans l’idée de rencontrer leur boss. Ils n’ont alors plus d’autre choix que de me remettre l’argent. La justification qu’ils avancent est qu’ils voulaient s’assurer que c’est bien moi qui l’avais égaré.

Vendredi 30 : obtention du visa et confirmation du vol retour auprès de la compagnie Air Nigeria pour samedi. Abuja est sans aucun doute l’une des villes africaines les plus chères. Avec son coût de vie élevé, son transport qui vaut la peau des fesses. Partir, par exemple, de l’aéroport en taxi vers le centre ville, distant d’une vingtaine de kilomètres coûte à peu près 4 000 Naira, soit l’équivalent de 11 600 Fcfa. Mais la ville est très belle, elle n’a pratiquement rien à envier à la plupart des métropoles que j’ai visitées, notamment Yaoundé, Ouaga, Dakar, etc. En faisant un tour en voiture, on s’aperçoit que l’aménagement de la ville a été planifié. Les immeubles et édifices ressemblent à ceux que l’on peut voir chez les Occidents. Les ouvrages routiers sont exceptionnels et en parfait état. Les aéroports nationaux comme internationaux vous ôteraient l’envie d’atterrir à Douala et encore moins à Ouaga.

Retour donc sur Douala, mon visa en main samedi. Rien qu’en cogitant sur cette dernière étape, assis sur mon siège d’avion, j’avais déjà la migraine. Je suis attendu le 03 octobre à Sofia (je ne dispose plus que de 2 jours devant moi) mais je n’ai même pas encore effectué de réservation. Le week-end m’a donné à réfléchir avec les appels et rappels aux membres de la famille par rapport à mon projet. Les uns m’ont promis de réagir en fonction de l’évolution de ma situation et les autres, flous dans leurs propos presqu’autant que le brouillard l’est en zone montagneuse, n’ont fait que me faire tourner en rond. Lundi 03 octobre : jour décisif. Je me suis levé, mon sac bandoulière accroché à mon épaule et je suis allé, comme un mâle, un vrai, affronter mon destin. Confirmation de départ à 16h, heure à laquelle je parviens à acheter mon billet. Je pousse un grand ouf plus tard à bord de l’airbus 330-300 de Bruxelles Airlines.

Big dédicace à Tati, une amie tout à fait unique en son genre, n’y a pas deux comme toi, « biz »!

1 Pour désigner le citoyen Camerounais en argot local

2 Usage de l’argot local pour dire 100 Fcfa

3 Compatriotes en argot camerounais

4 S’étonner profondément en Francanglais (argot local)

5 Ressembler, avoir l’air de, en argot camerounais

6 De l’anglais « come out » pour signifier sortir de

7 Pour désigner le quartier en argot local

8 Voyager en Francanglais

9 Pour manifester un sentiment de stupéfaction en argot camerounais

 

 

 

 


Pourquoi ma plume a récemment cessé d’être féconde ?

Moi en train de paresser

6 heures ce matin, je me réveille sur ma moto en accompagnant mon coloc à son nouveau boulot. Si je suis debout de si bonne heure, c’est bien parce qu’il s’agit d’aider un ami ou d’accomplir le devoir du coloc exemplaire. Autrement dit, je serais noyé dans une quasi-mort à l’heure où je vous parle. Difficiles, les vacances ! Difficile aussi, l’après-diplôme ! Je nage dans un océan de paresse ces derniers moments. L’oisiveté est tout ce qui me passionne. Ce compagnon de déroute se dresse contre moi chaque jour, il s’oppose à la moindre tentative d’effort que j’entreprends, aux premiers mots que je songe aligner dans quelque article que ce soit. Par contre, il semble offrir à l’agréable plus de place qu’à l’utile. Conséquences : j’ai fait plus de rencontres féminines ces récents mois que je n’en aurais totalisé en temps normal, j’ai découvert de nouvelles façons de boire la bière, les films me hantent en longueur de nuit avec leurs passages tantôt horrifiants, tantôt excitants.

Ce matin donc, après le service rendu à mon ami, je retourne dans notre studio. Dehors, le ciel vient de s’assombrir, le vent bouge dans tous les sens, le temps est beau, suffisamment beau pour vous – et non pas moi, vu que je viens d’y résister – inciter à inviter une petite pour qu’elle vous vienne en aide, si vous voyez ce que je veux dire… Au lieu de ça, je prends une bonne douche, j’accroche mes doigts au clavier de mon portable et je vis de nouveau. En écrivant, je reprends goût à la vie, mes yeux brillent de leurs plus belles couleurs, mon cœur s’allège comme s’il laissait s’échapper par des espèces de pores le poids qui l’encombrait depuis tout ce temps et dont il est déterminé aujourd’hui, à cette heure inédite, de se débarrasser, enfin mes mains se confient en relatant le plus grand secret qui ait jamais pesé sur ce cœur meurtri de silence. C’est un mystère que les mots seuls arrivent à percer.

Après deux mois et demi de silence, que peut-on trouver comme excuse à ses lecteurs ? Eh bien, y a pas d’excuse qui tienne, y a que la vérité. La vérité c’est que, bien qu’ayant été très instructifs, ces derniers mois ont été les plus interminables de ma vie. Bibliographie, rédaction, essai, interprétation, soutenance, jury d’évaluation sont quelques termes assez significatifs qui constituent le champ lexical du type d’occupation à laquelle j’étais assigné. Non pas que je me plains mais y a pas mal de choses sur lesquelles j’aimerais revenir, simplement pour que vous aussi réalisiez comme cette période est pénible. Primo, j’ai dû me gaver de lectures ennuyeuses (articles, bouquins scientifiques, revues sur la recherche, pages web). Au quotidien, je ne suis déjà pas trop curieux en matière de lecture à moins bien sûr que l’histoire m’intéresse particulièrement. Secundo, fallait faire appel à toute mon attention, ne pas me laisser distraire et encore moins me distraire (fini les maquis !) car la moindre erreur qui se glisse dans vos travaux est susceptible de foirer les résultats. En un mot, c’est un sacrifice que de se jeter dans la recherche. Enfin, fallait être suffisamment fort et flexible. L’encadrement des professeurs, le travail en équipe peuvent parfois ne guère susciter de la réceptivité chez vous. Votre capacité à faire preuve d’indulgence, à temporiser les choses et à éviter de trop vite vous emporter s’avère alors être d’une grande utilité. Y a vraiment de quoi disparaitre après la sentence du jury, et sombrer dans un repos mérité.

L’autre raison qui explique mon silence ou qui contribue à rallonger mon repos, c’est cette raison du cœur que la raison même ignore. Carine, d’une baguette magique, a intéressé mon cœur durant cette cruciale période d’apprentissage. Jeune, innocente et fraiche comme une fleur de printemps, elle a embelli ma vie et m’a donné toutes les raisons suffisantes pour traverser ce laborieux moment. Vous êtes-vous déjà senti responsable d’une personne? C’est ce genre de sentiment qu’elle m’a inspiré, du moins jusqu’au maudit jour où je lui ai annoncé que je rentrais bientôt dans mon pays. Depuis, elle a cessé d’être délicate pour moi, de faire partie de mon rêve, elle s’est refermée telle une coquille. Mes SMS multipliés en vue de lui rassurer mon estime n’ont pu l’en dissuader jusqu’à ce jour où je me libère à peine des flammes de cette passion substitutive qui nous consumait, ma passion pour l’écriture et moi.

 

Francoperen, pour vous servir !