Apprendre à faire confiance aux produits africains
Dans le cadre de mon stage de mémoire de fin d’études, j’ai assisté Samedi dernier à un atelier sur la valorisation des constructions faites à partir des matériaux locaux au CCF (Centre Culturel Français) Georges Méliès de Ouagadougou. Le débat était animé par le docteur Raffaele VINAI, chef de l’UTER ISM (Unité Thématique d’Enseignement et de Recherche Infrastructures et Science des Matériaux) au 2iE et l’entrepreneur ZI Mahamadou qui, depuis 1992 a mis sur pied une PMI produisant et distribuant des BTC (Blocs de Terre Comprimée) dans le pays.
Le premier a d’abord pris soin de présenter les problématiques liées à la construction en Afrique sahélienne avant d’énumérer les actions qui ont été menées jusqu’à ce jour et qui pourront être menées à l’avenir toujours dans l’optique du développement et pour améliorer les conditions de vie des populations burkinabè. Ensuite, l’exposé pratique était du ressort du second qui n’a pas lésiné sur ses moyens pour montrer, au moyen d’une presse manuelle, à son auditoire combien il est assez aisé de bâtir en terre stabilisée au ciment. Différents acteurs et professionnels du domaine étaient présents et n’ont pas hésité à creuser davantage les préoccupations que posent ces technologies innovantes aussi bien dans la faisabilité technique du projet que dans ses retombées économiques et environnementales.
De la dévalorisation
Ce sujet, je l’ai annoncé il y a maintenant près de 2 semaines. Si j’ai tant trainé pour le publier, c’est que je voulais rassembler le maximum d’informations sur les questions que le public pourrait se poser et celles auxquelles j’ai moi-même tenté de répondre. Jusqu’ici j’ai déjà eu l’opportunité de côtoyer pas mal de nationalités en Afrique – rassurez-vous, je m’en vante, car il y a en cela quelque chose d’édifiant, c’est ce sentiment de richesse culturelle que l’on hérite au contact d’une âme étrangère–, je n’ai pas seulement côtoyé les hommes mais j’ai aussi côtoyé leurs environnements (Burkina Faso, Bénin, Ghana). Vous pourriez comme moi observer chez ces peuples, le vôtre compris, un comportement similaire : on consomme moins le produit local. Et lorsque l’on cherche à comprendre pourquoi l’homme africain raffole tant des prototypes de « Mbeng », on ne retient que quelques tentatives de réponses. Certains vous déclarent sans gêne que le produit africain est de mauvaise qualité, d’autres vous affirment dans une formulation euphémique : « c’est une question d’habitude, je me suis déjà familiarisé avec les produits européens ».
Philosophie, imitation ou influence ?
Je pense qu’au delà tous ces avis, l’Africain ressent un besoin vital : sortir de sa coquille traditionnelle, passer par moment du son percutant d’un balafon à la douce mélodie d’un piano, de la saveur rafraichissante d’un pot de dolo 1 au goût exquis d’un verre de vin ou du boubou au smoking, bref embrasser d’autres éléments significatifs qui ne font pas forcément partie de lui, de son monde parce qu’il a, lui aussi, cette soif de découvrir l’autre. Cependant, d’autres aspects sont à considérer. Il arrive que certains Africains se perdent dans un désir, à mon avis, un peu trop poussé pour l’exploration de l’univers blanc, à telle enseigne que leurs actes relèvent désormais du suivisme. On est prêt à investir des sommes folles parce qu’on veut absolument s’approprier le bien ou le service authentique ou « made in France », ceci malgré le fait que le règlement inclut parfois des frais supplémentaires (frais de commande, de transport ou de livraison). Alors que des offres sont disponibles sur place avec à peu près les mêmes caractéristiques. Le dernier aspect est purement politique. La réputation de l’Afrique pour son snobisme occidental ou sa tendance à dévaloriser ses propres marchandises s’explique également par le fait qu’elle demeure encore le fidèle débouché de l’industrie nord. Les dirigeants africains subissent les clauses des échanges économiques qui sont fixés et régulés par l’Occident. Presque tout ce que l’on retrouve au sud est importé du vieux continent : appareils électroniques, véhicules, matériaux de construction, tout jusqu’aux denrées alimentaires (sucre, lait, farine, riz, etc.). Résultats : il n’y a pas de marché qui soit typiquement africain et les populations noires quant à elles sont tenues de consommer, consommer les fruits d’ailleurs.
A propos des constructions
Tout secteur de l’économie africaine souffre du tort que lui inflige cette philosophie de consommation calquée sur les tendances « mbenguistes ». La construction en est un exemple palpable. De nos jours, la plupart des bâtiments sont faits en béton. Quand des promoteurs ou entrepreneurs locaux cherchent à expliquer aux maitres d’ouvrage le bien fondé d’une construction en terre, ceux-ci s’empressent de leur tourner le dos. Les arguments qu’ils avancent sont ceux de qualité, de l’originalité et de la pérennité : profanes qu’ils sont, ils ont tendance à croire qu’un ouvrage construit entièrement en béton est de manière systématique plus stable qu’un ouvrage constitué de terre. Ce qui est tout à fait faux. L’histoire de la construction nous révèle que le matériau a connu avec le temps des évolutions. Bien que les premières constructions en terre ne fussent pas satisfaisantes, on dispose aujourd’hui de techniques plus adaptées pour la conception à base de blocs de terre. Une étude comparative sur 3 propositions de maçonneries (parpaings de ciment, blocs latéritiques taillés et BTC) a récemment été menée par le Projet LOCOMAT soutenu par le Ministère des Infrastructures, de l’Habitat et d’Urbanisme du Burkina Faso et il ressort que les BLT sont les matériaux les plus économiques suivis des BTC en deuxième position.
Quels avantages pour la construction en BTC ?
Il existe d’énormes intérêts à bâtir en BTC. On peut citer principalement :
- la réduction de CO2 : le béton dégage lors de sa production environ 80% (par rapport à son poids) de gaz carbonique très nocif pour l’environnement ; ainsi en construisant avec la terre on diminue la consommation en ciment qui n’est désormais utilisé qu’à une faible proportion (12% dans le mortier servant à la confection des murs) pour stabiliser le matériau écologique,
- l’économie d’énergie : la terre a des propriétés thermiques intéressantes ; elle constitue un bon isolant, ce qui contribue à abaisser la consommation énergétique des ménages construits en BTC,
- le faible coût de revient : la plupart de nos pays en Afrique regorgent de nombreuses carrières de terre encore inexploitées ; de plus les épargnes réalisées en termes de béton et d’énergie (sur le long terme) viennent aussi alléger la facture de l’aménagement en BTC.
En somme, construire au moyen des matériaux locaux est un acte qui s’inscrit dans le développement durable.
1 bière fabriquée à partir de sorgho malté au Burkina Faso
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