Me voici donc à « Mbenguè » et alors ?

Article : Me voici donc à « Mbenguè » et alors ?
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1 novembre 2012

Me voici donc à « Mbenguè » et alors ?

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Mbenguè ou Mbeng, c’est ainsi que nous, Africains, appelons communément l’Occident, et plus particulièrement la France. Mbenguè est plus utilisé en Afrique de l’ouest tandis que Mbeng est propre au Cameroun. Le mot vient de la langue douala et est aujourd’hui employé dans le camfranglais (argot camerounais à base de français, d’anglais et de langues locales). Les Mbenguistes ou les Mbengueters (du camfranglais) sont donc ceux d’entre nous qui ont la grâce (la chance, c’est peu dire) de vivre en France ou plus généralement en Occident. Je suis Mbenguiste depuis déjà un mois et pourtant je n’ai pas l’impression de vivre la grâce à laquelle je m’attendais. La grâce que la plupart de mes frères du continent s’imaginent qu’on va acquérir en foulant le sol de Mbenguè. Certes, il y a en arrivant dans ce prétendu eldorado, tous les signes d’un paradis véritable. Je parle de la propreté de l’environnement, de l’extrême organisation des choses, du niveau élevé du développement aussi bien infrastructurel que social, de la facilité et du caractère pratique des services dont on a besoin au quotidien comme le transport, la banque, l’hôpital, etc. Mais tout ceci n’est en fait que le reflet du décor proprement dit. Une image tellement belle et sophistiquée de la réalité, que nous, pauvres Africains, ne pouvons qu’aimer et convoiter. Normal que cette représentation nous fasse rêver car le fait de ne pas la comprendre suscite notre curiosité. Nous n’avons pas chez nous des symboles aussi parfaits qui nous permettent de faire le rapprochement avec un tel chef-d’œuvre. Quand bien même, nous aurions ces moyens de déchiffrage, nous n’aurions pas les ventres suffisamment pleins pour que nos cerveaux puissent saisir la beauté complexe de Mbenguè.

Si je dis que Mbeng malgré ses constructions hallucinantes, son réseau de transport en commun hyper développé, son système de sécurité sociale actif, ne constitue, hélas, pas une grâce pour nous, c’est pour trois bonnes raisons.

D’abord, la vie est moins facile pour nous qu’on ne le croit sous les tropiques. En côtoyant certains de nos frères sur place j’ai pu le réaliser. Ils doivent parfois cumuler 2 à 3 boulots de merde (c’est ainsi qu’ils les qualifient) voire plus pour parvenir, en fin de mois, à régler leurs factures et transférer à leur famille restée au continent un petit quelque chose, le prix de leur tranquillité intérieure. Comme ça, ils ont au moins la conscience soulagée à l’idée que ce qu’ils exercent comme activité leur permet d’aider leurs proches. Et puis, de toute façon, ils n’ont pas trop le choix car en s’envolant vers ce monde merveilleux, ils ont scellé avec ces derniers un pacte sacré. Ce contrat doit juste être respecté. Les détails liés à son respect n’intéressent personne de l’autre coté.

Deuxièmement, les conditions suivant lesquelles nous arrivons à nous installer de nos jours en Mbeng nous demandent de pratiquer au moins un art martial. On a 4 possibilités. C’est soit le contrat de travail ou de stage, soit les études, soit le partenariat domestique avec un natif, ou soit la course avec les forces de l’ordre. J’ai eu un assez bon aperçu de la troisième possibilité récemment en honorant l’invitation d’une de mes sœurs. Elle vit avec son époux français et leur enfant dans un appart sympa. Elle l’a rencontré lorsqu’elle achevait sa troisième année de course avec les forces de l’ordre. Trois années durant lesquelles sa compatriote, en situation régulière, chez qui elle logeait, lui a fait voir de toutes les couleurs. Elle était venue en France pour étudier mais ça n’a finalement pas marché pour elle. Du coup, elle a décidé en accord avec sa famille de rester. Sa chambre de 9 mètres carrés, elle la louait à 450 euros par mois. Certains mois, comme par hasard, la propriétaire oubliait de régler le paiement de sa facture d’électricité. Elle se retrouvait alors plusieurs jours dans le noir. « Imagine-toi ce qui pouvait m’arriver si je n’avais pas attrapé mon gars ! », se confie-t-elle.

Troisièmement, nous sommes privés d’une vie sociale véritable à Mbenguè. Je sais que si je lâche ces paroles en live à certains de mes frères, ils prétendront le contraire ou me proféreront des menaces. Et leur réaction ne sera pas surprenante car il y a dans ces paroles une vérité poignante. Elle m’interpelle et je ne peux taire ce que j’observe ou ressens. Ce que j’observe est bien trop triste pour que je me taise. Aussi ne pas me taire n’est pas synonyme de vouloir juger mes frères car les juger serait une chose assez complexe. Ils sont probablement les seuls à saisir le bonheur d’une alliance basée sur la garantie d’un titre de séjour. Les seuls à comprendre ce qu’ils tirent comme épanouissement dans une vie fermée et de méfiance où ils évitent tout contact avec leurs frères, de peur que ceux-ci n’envient leurs charmantes possessions. Les seuls à savoir apprécier le plaisir d’une vie où ils passent parfois des années entières sans avoir de relations amoureuses parce que les opportunités de rencontres se font rares.

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Commentaires

Lo
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bienvenue et bonne chance en france! i love you're blog.

nathyk
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Tonton, depuis que tu es parti à Mbengue, tu ne nous donnes plus de nouvelles. Que se passe t'il ? J'ai aimé ton blog et je t'ai nominé au "Liebster Award" ou blog le plus aimé. Pour te rendre sur le lien de mon blog qui mentionne ta nomination, clique-ici : https://nathyk.mondoblog.org/liebster-award/
Ce sera un honneur de te lire à nouveau. Merci !