J’ai vécu la crise ivoirienne de façon palpable ce vendredi

30 avril 2011

J’ai vécu la crise ivoirienne de façon palpable ce vendredi

Un peuple sans paix est un peuple dénué de vie ; une vie n’est humainement possible que si elle est menée en toute liberté. Ces derniers mois, il y a eu dans le monde pas mal d’évènements tragiques. L’Afrique est l’un des principaux théâtres de ces horribles faits, notamment avec les mutineries du Burkina Faso et la crise ivoirienne. Cette dernière est probablement le plus marquant de ces évènements. La Côte d’Ivoire et Abidjan en particulier auront ainsi connu les pires atrocités de toute leur histoire, une histoire qui aura été marquée par des tiraillements politiques, des affrontements militaires, des règlements de comptes, des bavures, des souffrances sociales.

Je reviens à l’instant d’une sortie que j’ai effectuée avec deux charmantes amies. En fait, comme tous les vendredis, j’aime bien trouver une formule pour me faire plaisir en soirée, histoire de récompenser mes efforts de la semaine. Ce vendredi, je suis particulièrement ému – ne vous arrive-t-il pas parfois de l’être tout comme moi, de vous relâcher alors et de vouloir vous livrer dans un truc exceptionnel comme, par exemple, faire la paix avec un proche de qui vous vous êtes séparé sans la moindre explication ? –, c’est pourquoi j’opte pour une détente à l’improviste car je me mets d’accord avec mon hôte par téléphone seulement 30 minutes avant qu’on ne se rencontre. Aussi avant de l’avoir au bout du fil, je ne suis pas sûr qu’elle réponde favorablement à mon invitation car elle et moi avons eu quelques embrouilles auparavant. Heureusement, Cathia me fait signe qu’elle vient en compagnie de sa copine. Je me rends donc au lieu du rancard, un maquis (bar d’Afrique de l’ouest).

Quand elles arrivent, on s’assoit et passe aussitôt les commandes car le compte à rebours pour le couvre feu est déjà lancé et il ne reste plus que 2 heures à « enjoy ». Je lance une blague intimidante, comme quoi je ne prends en charge que les consos d’alcool. Cathia s’entête à prendre son Coca plein de glucose (cette véritable source de diabète). Tandis que sa copine cède en faisant le même choix que moi : une bonne « Castel » bien fraiche. La bière, s’avère être l’unique élément qu’elle et moi avons en commun lors de cette première rencontre, et pourtant les échanges que nous entretenons par la suite, pendant que nous sirotons nos délicieuses « Castel », nous lient comme par hasard de la même sensation, cette sensation de « déjà vécu » que j’ai eue quand elle racontait son épopée ô combien périlleuse lors de la récente crise à Abidjan.

Cette jeune Burkinabé est courageuse, mais alors vraiment courageuse car malgré toute la frustration qu’elle a pu endurer, elle a le cran de faire un flashback sur ses accablants souvenirs, alors qu’elle est revenue à Ouaga il y a à peine une semaine. Elle retrace les tueries, les perpétuels conflits entre les miliciens ou pro-Gbagbo et les rebelles ou pro-Ouattara au lieu-dit Yopougon. Selon elle, la crise aurait fait un grand nombre de victimes innocentes, en parlant de jeunes traqués injustement dans les domiciles, interrogés violemment en pleine rue et battus à mort ou brûlés vifs devant les leurs dont les pleures et les supplications insistantes n’auront pas suffi pour ramener à la raison ces rebuts sociaux baptisés pour la plupart anciens prisonniers, délinquants, bandits de grand chemin, illettrés.

Je veux vous épargner les cas de viols dont elle nous a fait part, à Cathia et moi. Mais je ne peux m’empêcher d’en parler car ils sont tels des pièces à conviction qui vous permettent à vous, chers lecteurs, de mieux appréhender la cruauté des hommes. Des femmes auraient donc été violées en présence de leurs maris et enfants. Les ménages en question auraient été ensuite pillés jusqu’au dernier bien. Elle affirme que les rebelles ont débarqué un jour dans l’une des maisons mitoyennes à la sienne et ils sont tombés sur le repas qui venait d’être apprêté. Après l’avoir entièrement dégusté, ils se sont servis en emportant avec eux quelques objets de valeur comme la télé, les téléphones et ont pris la peine de passer la commande d’un mets spécial qu’ils sont revenus le lendemain savourer avant de récupérer le reste du magot.

L’histoire ressemble bien à une épopée et cette ressortissante burkinabè en est l’héroïne car elle s’est retrouvée au mauvais endroit à un moment fort peu intéressant. Elle réussit à sortir indemne des multiples épreuves sanglantes qu’elle a traversées. Elle a immigré à Babi (pour désigner Abidjan à la manière des Ivoiriens) il y a environ 10 mois avec le père de sa fillette, qui est lui-même Ivoirien et qui désirait tant présenter ses perles rares aux siens. Elle y est donc restée par amour pour sa famille et comptait ainsi y poursuivre ses études une fois que son couple aurait trouvé un minimum de stabilité. Finalement elle se retrouve noyée dans la crise, contrainte de faire un petit commerce au bord de la voie aux risques de choper la balle perdue d’une kalachnikov ou de se faire humilier par ces bêtes humaines.

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