Périple vertigineux à Sofia

31 octobre 2011

Périple vertigineux à Sofia

Ambassade de Bulgarie à Abuja

Par quelle étape commencer ? Quel pas marquer ? Avec quelle veste me vêtir (y en a tellement eu à enfiler ces récents moments) ? Comment les présenter, ces expériences si différentes les unes des autres, toujours plus riches de rebondissements, et qui au rythme de la flamme d’une bougie subissant les perturbations du vent dans l’obscurité, décrivent des courbes de niveau tantôt croissantes, tantôt décroissantes, sans que le processus ne puisse se stabiliser. Ça y est, je me lance, peu importe le bout de souvenir qui sera craché en premier, je vais tâcher de contourner entièrement les faits qui ont animé ma drôle de vie depuis quelque temps. Tout d’abord, y a que, j’ai dû quitter le quasi-chez-moi que Ouaga était déjà devenu, renonçant à tout ce qui y faisait déjà mon quotidien, pour faire allusion ici à mes amis, mes « compagnons de galère » tel qu’on le dit au Mboa de Florian NGIMBIS – sacré, ce fameux Florian, prenez votre mal en patience, vous saisirez le pourquoi plus loin ! –, en grande majorité les camarades que j’ai eus ces trois dernières années en fréquentant l’institut 2iE. Ça n’a donc pas été « du beurre » que de tirer un trait sur les secondes natures que j’avais déjà acquises en vivant avec ce beau et sympathique monde. En le quittant j’ai le cœur inondé de regret, de nostalgie et de peine. Regret de devoir me faire à cette triste idée. Regret de ne plus pouvoir me déplacer à ma guise sur un « char ». Regret de ne plus pouvoir consommer le succulent mets burkinabé composé de lait caillé et de mil, connu sous l’appellation de déguè. Nostalgie des soirées mouvementées et délirantes dans les maquis où de la bière coulait à flot et après lesquelles les amis compatriotes et moi passions des heures de discussion pour déterminer lequel d’entre nous avait été le plus ridicule car plus pinté que les autres ou alors le plus résistant. Nostalgie des agréables sensations que m’a procurées pendant un moment où j’en avais grandement besoin ma tendre amie Carine. Peine de ne pas être en même de permettre à tous ces simplificateurs d’existence de continuer d’être. Peine enfin de ne pouvoir susciter le minimum de compréhension escomptée en annonçant mon au revoir à ces personnes a priori tourmentées à l’idée que je disparaisse (rassurez-vous, je suis toujours en vie !).

Départs et arrivées conditionnent donc depuis un certain moment tous mes faits et gestes. La moindre de mes incursions, que ce soit au bercail ou ailleurs à l’étranger est saluée par une chaleureuse bienvenue et est aussitôt bénie par le plus beau des adieux. Ainsi la page Ouaga s’achève en même temps que s’ouvre celle d’une nouvelle aventure qui réserve, à en apprécier les tous premiers clichés, davantage de plaisir. La mise en route de ce nouveau projet à Sofia en Bulgarie m’aura fait baver de toutes les manières. Douala, théâtre principal de la longue série de péripéties qui vont caractériser mon départ pour l’Europe de l’est. A mon arrivée je suis reçu comme un héros national, enfin à l’échelon familial. Rien d’anormal, le jeune ignorant et débutant que j’étais en partant trois ans plus tôt a bravé un certain nombre d’épreuves essentielles de sa condition d’homme et cela peut se mesurer à l’aune du précieux papier qu’il a ramené de sa mission. J’ai consacré la première semaine aux retrouvailles avec les miens et à la relax.

Pour recueillir mon visa bulgare, j’ai dû me rendre en terre des Super Eagles car je n’avais pas trop le choix. « Cameroon is a great country, but there are not many european embassies there and it’s so because people there are not credible… », m’a lâché un Ghanéen lors de mon transit à l’aéroport de Lagos. Quand on vous débite ce genre de paroles et que vous êtes habité par un sentiment patriotique, vous ne pouvez ne pas réagir. Mais comment réagir dans un cas aussi flagrant que celui du pays des grandes réalisations. Réagir pour le fond ou pour la forme finalement ? Initialement, j’envisageais de passer par le Maroc. Douala – Yaoundé est donc la première étape de ce périple vertigineux. Mon passage à Yaoundé vise un intérêt : le visa marocain. Comme par hasard un intérêt en entraine un autre, à la gare routière de Mvan, je tombe sur une gentille Camer1 qui veut bien me servir de guide. Arriver à Yaoundé et emprunter un taxi de la gare jusqu’à mon lieu de séjour a toujours été pour moi une équation de trop à résoudre. Et mon hôte changeant à chaque fois, je suis toujours contraint de me renseigner auprès des résidents qui sont en train de « stopper » un taxi. Cette fois-ci j’ai du bol – c’est ce que j’ai cru au départ avant qu’autre chose ne se soit laissé insinuer -, j’ai une guide pour moi. Nos destinations convergent. Elle me propose de passer par Mokolo, son terminus à elle. De là, je pourrai rejoindre ma destination finale contre pièce2. La proposition me séduit à 100% car elle s’avère économique. Le premier taxi que nous stoppons nous accepte. Le trajet n’a rien d’ennuyeux car elle réagit positivement aux grains que je lance. Je dirais même qu’elle les picore avec appétit. Nous n’avons donc aucune difficulté à échanger sur nos identités, nos occupations et surtout la raison de mon voyage. Intéressante, la conversation n’est pas encore achevée que nous arrivons à destination. Je réussis à la convaincre de prolonger cette rencontre-à-fleur-de-retrouvailles quelque part, dans un endroit calme et relaxant où nous pourrions par la même occasion étancher la grande soif que le voyage nous a infligée. Après un premier verre, il s’en suit un deuxième, puis un troisième et tous les effets d’un dernier dans ce paradis de Mini-Ferme. Ma première nuit dans la ville aux sept collines est ainsi pointée. En même temps je confirme ce que me disaient les Compats3 à Ouaga. Je wanda4 même ! Tu débarques au Mboa, pour peu que tu fimba5 à quelqu’un qui comot6 du ventre de l’oiseau (pour désigner l’avion), les abeilles camerounaises te collent dessus comme si c’était une affaire extraordinaire. Et comme si ça ne suffisait pas les gars du téqua7 se mettent en tête que tu as forcément ramené avec toi un sac de blé. Alors que le gosse d’autrui a lui travel8 pour poursuivre ses études. Wandaful balaba9 !

Jour suivant, descente à l’ambassade du Maroc à Bastos. Je collecte toutes les informations afin de compléter mes pièces manquantes et d’y retourner le lendemain. Tout se fait avec le plus grand des enthousiasmes ce jour car la soirée annonce une rencontre choc avec un mondoblogueur tout à fait particulier. Début des hostilités : 17h 30 au quartier Efoulan (si vous vous souvenez de l’article où ce phénomène dévoilait le fonctionnement pas très catholique du centre de santé public du coin). De mes propres yeux, j’ai l’occasion de constater ce bordel en passant. Prise de contact donc assez aisée, je dirais même qu’on se retrouve, vu qu’on s’est réciproquement connu auparavant, en s’immergeant chacun dans les écrits de l’autre. Bien que nous ayons des cursus d’études complètement opposés, un détail nous unit, ce faible pour la littérature française que j’ai et que lui aussi a. Nous nous le révélerons d’ailleurs au cours de la conversation garnie du dénominateur commun des Camer, la bière. Et comme me disait récemment un ami Togolais, la vérité se trouve dans le verre. Florian et moi parlons de tout ce qui nous passe par le cœur : les histoires du groupe, les réalités du Mboa, ainsi que des circonstances qui nous sont personnelles. Dans ce dialogue profond, nous nous passons à tour de rôle les casquettes d’élève et de maitre. Et je me rappelle particulièrement l’un de mes statuts d’élève très assidu assumé quand Florian s’est mis à me souffler des conseils utiles pour réussir une nouvelle littéraire. « La nouvelle est comparable à la cola, en ce sens qu’elle doit laisser un goût indélébile à celui qui la consomme… », me déclare-t-il.

Retour précipité à Douala. Je n’ai pas eu de suite favorable à ma demande de visa marocain. Etape suivante : Abuja. Un voyage stressant. J’ai dû le repousser à 3 reprises parce qu’il fallait légaliser avant tout certains documents à l’Antenne du Ministère des relations extérieures. Lundi : RAS. Mardi : je réussis à faire signer mes papiers 2 heures avant mon vol et ce, malgré l’emploi du temps trop chargé de l’autorité qui la veille se trouvait à Bamenda, en pleine campagne électorale. Abuja ne m’accueille que le mercredi, après avoir subi 24 heures d’escale à Lagos. Rendez vous compte qu’après des années et des années d’amitié entre les deux pays, il n’y a toujours pas le moindre vol direct assurant la liaison des capitales politiques. Et je vous épargne les détails sur le prix d’un aller-retour. Depuis les attentats qui sévissent dans le pays des Super Eagles, les aéroports et les endroits publics ont redoublé de vigilance. La preuve, pour passer la sécurité de l’aéroport, on enlève chaussures, ceinture et survêtement, puis on se fait fouiller au moyen d’un détecteur de métal. Mercredi 28, 8h du matin : à peine atterri à Abuja, j’emprunte aussitôt un taxi pour l’ambassade de Bulgarie. La bataille contre l’expression en Anglais commence alors. Je réussis à m’entretenir avec le consul et à déposer mon dossier de demande de visa. Je m’apprête à prendre un taxi pour rejoindre mon hôte lorsque soudain je m’aperçois que mes sous ont disparu de mon sac. Je les avais rangés dans une poche externe après le change et dans la précipitation j’ai omis de les mettre plus en sécurité. J’ai d’abord failli péter un câble. Mais j’ai réussi à respirer lentement afin d’analyser la situation. C’est alors qu’il me revient que j’ai laissé mon sac à la guérite sous ordre des vigiles avant de me diriger vers les locaux du consul. Je retourne donc calmement à l’ambassade où je m’entretiens à nouveau avec les vigiles. Mon anglais n’est en rien un atout pour la situation mais je dois le forcer à l’être. Je m’adresse à eux en partant sur l’hypothèse que j’aurais fait tomber dans leur pièce 10 000 Naira lorsque je retirais mon dossier de mon sac. Sur le coup, ils nient avoir vu quoi que ce soit. Je les menace de soumettre le problème au consul. Ils font d’abord semblant d’appeler ce dernier au téléphone comme pour m’annoncer. En raccrochant le téléphone, ils essaient désespérément de me convaincre de chercher dans un endroit autre que l’ambassade. Mais je persiste dans l’idée de rencontrer leur boss. Ils n’ont alors plus d’autre choix que de me remettre l’argent. La justification qu’ils avancent est qu’ils voulaient s’assurer que c’est bien moi qui l’avais égaré.

Vendredi 30 : obtention du visa et confirmation du vol retour auprès de la compagnie Air Nigeria pour samedi. Abuja est sans aucun doute l’une des villes africaines les plus chères. Avec son coût de vie élevé, son transport qui vaut la peau des fesses. Partir, par exemple, de l’aéroport en taxi vers le centre ville, distant d’une vingtaine de kilomètres coûte à peu près 4 000 Naira, soit l’équivalent de 11 600 Fcfa. Mais la ville est très belle, elle n’a pratiquement rien à envier à la plupart des métropoles que j’ai visitées, notamment Yaoundé, Ouaga, Dakar, etc. En faisant un tour en voiture, on s’aperçoit que l’aménagement de la ville a été planifié. Les immeubles et édifices ressemblent à ceux que l’on peut voir chez les Occidents. Les ouvrages routiers sont exceptionnels et en parfait état. Les aéroports nationaux comme internationaux vous ôteraient l’envie d’atterrir à Douala et encore moins à Ouaga.

Retour donc sur Douala, mon visa en main samedi. Rien qu’en cogitant sur cette dernière étape, assis sur mon siège d’avion, j’avais déjà la migraine. Je suis attendu le 03 octobre à Sofia (je ne dispose plus que de 2 jours devant moi) mais je n’ai même pas encore effectué de réservation. Le week-end m’a donné à réfléchir avec les appels et rappels aux membres de la famille par rapport à mon projet. Les uns m’ont promis de réagir en fonction de l’évolution de ma situation et les autres, flous dans leurs propos presqu’autant que le brouillard l’est en zone montagneuse, n’ont fait que me faire tourner en rond. Lundi 03 octobre : jour décisif. Je me suis levé, mon sac bandoulière accroché à mon épaule et je suis allé, comme un mâle, un vrai, affronter mon destin. Confirmation de départ à 16h, heure à laquelle je parviens à acheter mon billet. Je pousse un grand ouf plus tard à bord de l’airbus 330-300 de Bruxelles Airlines.

Big dédicace à Tati, une amie tout à fait unique en son genre, n’y a pas deux comme toi, « biz »!

1 Pour désigner le citoyen Camerounais en argot local

2 Usage de l’argot local pour dire 100 Fcfa

3 Compatriotes en argot camerounais

4 S’étonner profondément en Francanglais (argot local)

5 Ressembler, avoir l’air de, en argot camerounais

6 De l’anglais « come out » pour signifier sortir de

7 Pour désigner le quartier en argot local

8 Voyager en Francanglais

9 Pour manifester un sentiment de stupéfaction en argot camerounais

 

 

 

 

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Commentaires

Marina
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C'est merveilleux ce périple et on a la nette impression d'être à Sofia en Bulgarie. J'ai tout de même un doute sur les descriptions, mais comme c'est écrit avec style je vais m'en contenter.

Francoperen
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Merci Marina pour ce commentaire. Dis, de quelle impression tu parles? Ce n'est pas dans ce billet que je décris Sofia. Que voulais-tu dire? Merci d'apporter plus de précision à ton commentaire.