J’étudie ou je crève la dalle

Article : J’étudie ou je crève la dalle
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4 mars 2012

J’étudie ou je crève la dalle

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Alors que je n’étais encore qu’un enfant, un ignorant au carré, l’on m’a fait découvrir un lieu qu’on disait être un autre chez-moi. D’emblée, l’idée de côtoyer ce nouveau refuge, ce nouveau chez-moi m’a effrayé, mais par la suite j’ai dû m’y plier parce que de toute façon je n’avais pas trop le choix. Je ne pouvais ne pas rendre la pareille à ma mère qui me faisait toujours un grand sourire en m’accompagnant chaque matin après avoir rempli mon cartable de délicieuses friandises. Encore moins rester de marbre sous les paroles de mon vieux qui me bourrait le crane à propos de ce que cette chose miraculeuse allait plus tard faire pour moi, quand je serai devenu plus grand. Et le temps a passé, et je suis enfin devenu grand. J’ai connu plein d’autres chez-moi. J’ai bravé toutes les étapes, les épreuves – du moins la majeure partie – auxquelles chacun d’eux pouvait me contraindre. J’ai même pris quelques égratignures, notamment lorsque j’ai dû abandonner ma première maison pour m’installer à plusieurs miles de là, dans mon tout dernier chez-moi.

Je vais vous dire, j’ai pris plus que des égratignures. Non seulement je n’ai pas vu ce que ces nombreux chez-moi, dont je suis incapable de me rappeler les noms de certains, ont fait pour moi. Mais aussi et surtout, je ne peux retourner chez moi. En quittant le chez-moi, sous les tropiques, j’ai scellé un pacte, avec mes parents, ma famille. Ce contrat ne s’est pas fait de manière solennelle mais je sais qu’il a existé, qu’il existe toujours dans le cœur de chacun. Il n’y a point de jour où je ne m’en souviens. Le pays de la neige m’a accueilli et m’a forgé pendant les derniers neuf ans de ma vie. D’aucuns pensent qu’il m’a transformé au point où je me refuse à présent de fouler à nouveau le sol de mes origines. Parce que je ne serais pas prêt de renoncer à ses multiples faveurs : la neige ( 🙂 ), le métro, les aides sociales, le beurre du boulot. Parce que je bénéficierais d’une condition meilleure voire privilégiée. Ce qu’ils ignorent c’est que j’étudie, j’étudie toujours. Au lieu de cinq années d’études, je me retrouve en train d’en faire neuf. Je cumule à ma pile de diplômes un deuxième master. Je postule à mon énième programme de bourses. Je ne le fais guère par passion pour l’invention de Charlemagne. Je suis juste tenu de le faire ou je crève.

Donc à ceux-là qui ont tout faux sur moi, je réponds que je n’ai rien à me reprocher. Parce qu’au moins je travaille, peu importe si c’est en lisant mes notes de cours, en consultant des livres à la bibliothèque, en contribuant aux travaux dirigés ou en me faisant évaluer par le professeur, l’essentiel c’est que je reçoive mon aide financière, j’aie mon logement sans lesquels je ne peux survivre. Et même, tout bien réfléchi, la différence entre le travailleur et moi se joue à un mince fil. Il a son salaire, ses jours de repos, sa promotion, moi, j’ai ma bourse, mes vacances, ma remise de diplôme. A la maison, mes parents ne cherchent pas à en savoir davantage sur ma situation tant que je peux servir à résoudre un nouveau petit problème. Quand ils survolent la question, je les rassure en disant : « Écoutez, je viens de passer un entretien d’embauche très prometteur, je pense pouvoir commencer bientôt, je vous appelle quand tout est OK, hein ! »

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Commentaires

@Andriamihaj
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Bon courage ;)