Francoperen

Cette vie, j’ai de la peine à la vivre!

J’étudie dans le domaine de l’ingénierie. Depuis tout petit, je me suis toujours vu dans la peau d’un écrivain célèbre. Mais il fallait avant tout privilégier l’aspect rémunérant d’une future profession. Et je pense que mes parents n’ont pas lésiné sur leurs moyens pour me l’inculquer. Aujourd’hui je sais, contrairement à il y a neuf ans plus tôt, que l’homme peut se nourrir de son art sans toutefois en vivre. Ainsi je me forme dans le domaine des sciences exactes pour la raison que je venais de mentionner. Cela n’empêche qu’un jour à venir je m’installe dans cet espace animé, embelli, merveilleux qu’est la littérature. Ecrire c’est tout ce à quoi j’aspire ; j’aime parler de moi à travers ces lignes d’écriture que je formule avec la plus grande délicatesse qui soit. Je propose aux autres mes choix de vie, mes conceptions des choses et surtout mes avis sur un certain nombre de questions récurrentes de cette époque. Je le fais parce qu’au fond de moi je ressens le besoin de le faire : c’est de la vocation, si je ne m’abuse. Il ne se passe pas un jour sans que l’idée de produire un texte ne me revienne. A un moment donné, cela se transforme en une condition de survie : je suis alors tenu d’écrire si je veux me libérer des châtiments de cette passion. En attendant je fais des calculs, des applications aux moyens de programmes ou logiciels, des choses que je n’étais certainement pas prédisposé à accomplir. De toute façon un talent, même lorsqu’il n’est pas entretenu, demeure en l’homme. Il suffit de le réactiver et tout fonctionne comme auparavant. Ce penchant pour les Belles Lettres, je l’ai acquis, au moment où j’ai commencé à écouter des gens parler avec aisance, éloquence. J’ai aussitôt voulu m’identifier à ceux-là car j’y voyais une sorte de magie. J’aimerais préciser que le livre n’a jamais constitué ma muse, la preuve est que le plus grand effort que j’ai réalisé jusqu’ici est d’ouvrir la dixième page d’une œuvre littéraire au collège. Le simple fait de tenir un livre me rend jaloux, combien de fois prendre connaissance de son contenu ? Je me suis toujours dit que si je pouvais écrire, alors je n’aurais plus besoin de lire. Mais j’ai tort de penser ainsi car les plus talentueux mêmes ont toujours eu recours aux productions de leurs confrères. Ils sont bien conscients que ce qu’ils pourront y tirer constitue un complément précieux pour le background qu’ils possèdent déjà. Cependant ma susceptibilité vis-à-vis des maux qui gangrènent la société est sans aucun doute la raison mère de mon engagement. Des circonstances observables au quotidien, nombre sont celles qui suscitent en moi une indignation. Celle-ci enclenche alors le processus qui consistera tout d’abord à faire la satire de ce qu’il y a de répugnant dans toute l’affaire, puis proposer des solutions constructives afin de pallier à cela. C’est une tâche qui transcende tout ce que l’on peut se faire comme idée d’elle, croyez-moi, je peux vous l’assurer.


Histoire du « phone » en milieu scolaire

Il est 7 heures et demie, le dernier coup de sonnette vient de retentir et pas un seul en Terminale D2 ne se sent concerné pour le moment. Encore faut-il qu’ils arrivent à discerner ce signal dans la cacophonie qui règne dans la salle. Il suffit d’y faire un tour, de rapprocher votre oreille des casiers de tables, aussitôt après on vous annoncera, et vous ne pourrez que corroborer, que vous êtes devenu sourd-muet, sourd d’endurer la pluie de sons qui s’y abat et muet de ne pouvoir rien dire ou faire pour que cesse ce remue-ménage. Hier soir, en regagnant les domiciles, l’instruction donnée par l’enseignant était de proposer un plan détaillé pour un sujet de dissertation. Quelques élèves y compris moi-même, ont souffert de venir une heure plus tôt ce matin pour accomplir la tâche du forçat. Au fond de la salle, entre les mains d’un groupe mixte d’élèves, dits muna bobo 1, on peut dénombrer une série de téléphones multimédias. Le kapo 2 ou le garçon le plus « stylé » de tous, celui qu’on reconnait à l’application fréquente des écouteurs à ses oreilles, se distingue par ses abonnements chez Orange, MTN et Camtel ; ses trois mobiles, dit-il avec fierté et arrogance, lui ont coûté une fortune. C’est pourquoi il n’hésite pas, à la pause comme aux heures du cours, à les exhiber à ses camarades, d’ailleurs c’est à ces atouts de frime qu’il doit sa célébrité au collège ALFRED SAKER. Pendant que certains s’échangent des sons ou des « hot » vidéos par Bluetooth, d’autres offrent gratuitement leurs prestations de DJ à la classe. « Le prof arrive », s’écrie un élève qui se trouvait encore dans le couloir, en plein pourparlers avec une mo nga 3 inconnue dont il a quand même réussi à enregistrer le numéro de portable. Ils se reverront certainement dans les vestiaires un quart d’heure plus tard, à condition que le done man 4 sache bien agencer son « verbe » dans le SMS qu’il lui écrira une fois revenu en salle. Lorsque le professeur franchit le seuil de cette dernière, les activités du petit marché s’estompent, ses commerçants rangent leurs marchandises et ses clients leur argent. D’un ton autoritaire, il demande aux élèves de présenter leurs travaux sur la table. A peine se lève-t-il pour se diriger dans la première rangée qu’une sonnerie aiguë l’interrompt et captive la classe entière. En une fraction de seconde, le cellulaire qui l’a émise a été éteint et rangé. Le geste éclair n’a suscité aucun soupçon chez le professeur, vraisemblablement transformé en inspecteur. Il réclame alors le responsable avec une voix vibrante de colère. Mais les trente minutes qui suivront serviront à traquer en vain l’auteur de cette perturbation. Coco est pourtant assise au milieu de ce petit monde ; elle se camoufle, retient son souffle et évite de se trémousser. De pareilles imprudences lui ont déjà valu la confiscation de son précédent portable. C’était en plein évaluation de Maths ; elle a convaincu au moyen d’un SMS un mougou 5 de la classe de lui transmettre les réponses de quelques questions complexes. Comme elle avait omis de mettre le son du téléphone en position OFF, le message en lui parvenant a émis un signe sonore qui a alerté le surveillant. Dans ce genre de situation, la classe sait se montrer solidaire et taciturne. Le professeur, pour ne pas être couvert de ridicule, abandonne ses investigations pour poursuivre le contrôle des devoirs. Aujourd’hui, il choisit de n’expulser personne car il est conscient du fait que s’il commence, il sera contraint à la fin de négocier avec les trois ou cinq élèves qu’il en restera de la classe pour achever son programme de la matinée. Il entame aussitôt la correction de l’exercice. Pendant qu’il explique une notion importante à ses élèves, son téléphone sonne. Toute la classe braque ses yeux sur lui, même ceux qui n’étaient que présents en chair. « Allo ! Oui, j’arrive, je suis en circulation, accordez-moi juste 10 minutes, le temps que je descende du taxi pour vous rejoindre. », déclare le professeur à son interlocuteur lorsqu’il décroche son mobile. Le bip de fin de conversation enclenche alors dans la salle des éclats de rires, des sifflets et des claquements de mains.

1 enfant de riches ; 2 personne qui sort du lot et fait l’objet de convoitise ; 3 jolie fille ; 4 garçon futé ; 5 personne facilement manipulable, faible de caractère.

 


Et si c’était le moine qui faisait l’habit

 

Bon nombre de gens pensent que l’habit fait le moine. L’habillement d’une personne permet très souvent à autrui d’esquisser dans son esprit une image d’elle. Par exemple, lorsqu’une femme se vêtit à la façon d’une star (les cuisses exhibées, le chemisier entrouvert, etc.), quitte à laisser paraitre une certaine extravagance, on dira d’elle qu’elle manque de sérieux dans la vie ou pire encore qu’elle est frivole. D’un autre côté, celui ou celle qui s’habille sans qu’il y ait d’assortiment dans sa façon de marier les couleurs, se verra attribuer l’étiquette « sans style » ou au pire des cas sera marginalisé. Conscients de ces réalités sociales parfois taboues, les gens, selon qu’ils correspondent aux critères de l’une de ces deux factions, trouvent les moyens de plaider leur cause dans les préjugés qu’ils se font sur les protagonistes de l’autre faction. On assiste alors à un conflit perpétuel entre les deux groupes qui n’hésitent pas à se mépriser. Et c’est de là que nait l’esprit de critique que la plupart des gens adoptent au regard de la façon dont un individu est vêtu.

Qu’y a-t-il encore à mentionner en parlant de l’habillement, si ce n’est préciser qu’il exprime à qui a le don de la déceler cette touche intrinsèque enfouie au plus profond de l’essence de chaque homme? Je ne pense pas que la façon dont une personne se vêtit puisse la définir de manière exacte, renseigner suffisamment sur sa personnalité ; il n’est donc pas cartésien de juger quelqu’un en se référant à son style vestimentaire car on s’habille pour agrémenter son corps et non pour qu’il fasse l’objet de controverses. En considérant le cas de deux sujets qui ne vivent pas dans le même environnement, il ne paraitra pas très déconcertant qu’ils aient des styles d’habillement différents, ce qui peut s’expliquer par la disparité de leurs modes de vie, de leurs convictions et par conséquent de leurs comportements. Cependant, comme nous vivons dans une société qui est régie par des normes – par lesquelles nous sommes influencés indépendamment de notre volonté –, il est de notre intérêt de nous identifier aux critères d’une troisième faction ; celle-ci est intermédiaire aux deux premières et établit une sorte d’équilibre entre elles. Tout simplement, je dis qu’on peut s’habiller, aspirer à quelque chose sans pour autant attirer l’attention d’autrui, ceci en s’évertuant d’intégrer dans notre façon de procéder un peu de conformisme.




Le trésor du foyer ou la progéniture du pays des merveilles

J’ai été enfant et l’unique image que j’en garde est celle de ma nourrice entrain de me conter l’une de ses histoires imaginaires en attendant impatiemment que je me jette dans les bras de Morphée. Elle m’assistait dans tous mes faits et gestes. Elle était là quand j’avais besoin de quelqu’un et quand je n’en avais nullement besoin. Chaque matin je la revoyais après m’être endormi la veille en la regardant me parler. Elle me rendait tous les services qu’une mère rendrait à son enfant. Tous les jours, elle me lavait, m’habillait, me préparait à manger. Il lui arrivait même de me faire des singeries dans le but de susciter mon rire. Parfois, je m’amusais bien avec elle mais il eut aussi des fois où aucune expression de bonheur ne pouvait envahir mon visage. Je ne réagissais plus à rien, une seule idée m’obsédait : voir ma mère. Le tendre cerbère se retirait alors dans la cuisine et trouvait quelque chose à faire jusqu’à ce que celle que je réclamais de toute urgence soit revenue de son occupation et m’ait pris dans ses bras. Lors de ma première journée d’école, ma nourrice m’accompagnait. Elle me tenait fortement la main. Quand nous entrâmes dans le bureau de l’institutrice, elle s’entretint avec cette dernière comme si elle était ma mère. Puis les deux me conduisirent devant ma salle de classe. Juste avant d’y pénétrer, j’étreignis jalousement ma nourrice qui me promit de revenir plus tard me chercher.

Je me souviens vaguement des moments passés en compagnie de mon père; si brefs étaient-ils qu’il m’arrivait parfois d’oublier que j’en avais un. Quand il n’avait rien à m’offrir comme présent, c’était pendant les grandes fêtes annuelles qu’on avait l’occasion d’échanger un peu. C’était un homme très occupé ; il voyageait incessamment pour son travail. Ma mère en souffrait ; je l’ai su peu avant mon entrée au collège. De temps à autre, ils se disputaient et il s’agissait toujours d’une question de travail. Ma mère lui reprochait son absence conjugale, son indisponibilité familiale. Depuis que je venais de franchir une nouvelle étape de l’interminable itinéraire scolaire, je fréquentais beaucoup de jeunes de mon âge. Et je dois avouer que dans la plupart des cas, nous n’avions rien en commun, excepté notre appartenance au même établissement. Après notre premier contact, je réalisais à quel point nous vivions différemment. Ils me parlaient toujours de leurs parents et principalement de leurs pères qui les aidaient à faire leurs devoirs le soir, les emmenaient à l’hôpital quand ils souffraient de maladie, leur faisaient visiter des endroits de distraction en ville. Lorsque venait mon tour de faire l’éloge du dieu des enfants, je restais sans mot dire.


Episode de ma vie

En inclinant mes yeux ce soir vers le moniteur de mon portable, mes mains sont prêtes à colorier par le biais du clavier cet épisode de ma vie jusqu’ici gribouillé à cause de la tiédeur de mon intention. Comme beaucoup de jeunes de mon âge, j’aime la compagnie féminine car elle me procure toujours un grand bien. Je sais flairer les envies de femmes, c’est une des raisons pour lesquelles j’arrive très vite à retenir leur attention, gagner leur confiance et me rapprocher d’elles. Mais jusqu’à il y a quelque temps de cela, je ne parvenais pas à comprendre pourquoi cette belle ambiance ne règne au sein de notre relation que le temps dont elles disposent pour se rendre compte du fait que je n’ai aucun plan pour elles. Je le reconnais, je n’ai pas le moindre plan pour ces dames ambitieuses, d’ailleurs je n’en ai jamais eu pour moi-même. Ce que les femmes désirent par-dessus tout c’est la sécurité. Je ne connais pas d’homme de cette époque qui a déjà perdu l’estime d’une femme en contrepartie d’un gage de sécurité vis-à-vis de celle-ci. En parlant de sécurité, il est important de distinguer trois types : la sécurité physique, la sécurité sexuelle et la sécurité financière. Cette dernière a une plus grande signification à leurs yeux, au point où certaines préfèrent même renoncer à l’amour de leur vie pour vivre avec l’homme qu’elles n’aiment que pour sa fortune. Ensuite, vient le sexe qui apporte toute leur sophistication aux rapports du couple. Enfin, on a la sécurité physique qui renvoie bien évidemment à la disponibilité, l’aptitude d’un homme à être présent pour sa compagne, prendre sa défense face à une circonstance donnée car la femme aime se sentir telle la protégée de son chevalier. Je ne peux leur offrir ce sentiment de confiance, et elles arrivent toujours à le lire à temps dans mon dessein quoique je m’évertue à le dissimuler. Je suis donc incapable de tisser le fil d’une relation du début jusqu’à la fin et me nouer à la fille. A maintes reprises, je me retrouve confronté à ce cas de figure dans ma vie et je me contente toujours de fuir en laissant derrière moi, seule et désespérée, une femme encline au dévouement. Peut-être aurais-je peur de me lier à ces délicates créatures simplement parce que je ne serais pas fait pour ce rôle, ou alors, ne serais-je qu’un pauvre lâche, terrorisé à l’idée de périr dans les feux de l’amour. Tenez, je vous présente le scénario habituel : d’abord je me lie d’amitié avec la fille, puis je la courtise jusqu’à ce qu’elle soit intéressée. Dès que j’ai la sensation de la nourrir de quelque plaisir ou tendresse que ce soit, je me sauve. Elle aura beau me demander de lui fournir une explication par la suite, je ne lui fournirai qu’une excuse. A vrai dire, ceci témoigne du fait que j’aime mieux l’idée de l’amour que le concept lui-même. Cet épisode est certes le mien mais peut devenir le vôtre, faute de quoi je vous exhorte à ne pas suivre mes pas dans cette aventure qui m’a l’air de plus en plus périlleuse au fur et à mesure que le temps poursuit son vol.


De l’atemporalité

Voyez-vous très chers amis, sans même ouvrir ce fructueux échange  entre nous, je sais de prime abord que le temps ne me permettra pas assez de vous présenter tout ce que j’ai actuellement en mémoire. Il agira d’un moment à l’autre contre moi, et ceci que je le veuille ou non car nous avons fait de lui une influence sur nous. En effet le temps nous dicte nos habitudes, nos actes, notre mode de vie. Il nous contraint chaque jour par ses secondes, ses minutes et ses heures à des états de survie dans un monde où les chiffres ont toujours manipulé l’homme alors qu’il pensait les avoir maitrisé.

Parmi les éléments que le temps exige de nous au quotidien, la ponctualité, l’aliénation et la médiocrité constituent les plus cruciaux. La ponctualité est communément  définie comme le respect du temps. Mais elle apparait plus comme une sorte de norme établie par la société, qui est indirectement sous contrôle d’un groupe de chercheurs ou penseurs qui croient que les chiffres ont cette dimension managérielle que l’horloge leur confère. Le problème véritable est que le temps s’envole en permanence. Être ponctuel signifie de ce fait vouloir le rattraper ou, si possible, avoir une longueur d’avance sur lui : ce qui est tout à fait absurde.

Après le conformisme observable au travers de la ponctualité, vient l’aliénation dans ce processus temporel. A force de se plier à l’exigence précédente, l’homme perd peu à peu son droit le plus précieux, sa liberté. Le temps a fait de nous des êtres dépendants, condamnés à vivre dans la peur, le doute, l’hésitation, la promptitude et le chaos. Il suffit de regarder ces civils qui courent dans tous les sens en longueur de journée pour arriver à l’heure soit à une occupation, soit à un rendez-vous, pour comprendre qu’ils sont esclaves de la quatrième dimension. De même, le respect scrupuleux du temps nous prive chaque jour d’une vie digne notamment lorsque nous ne parvenons pas à nous acquitter de nos engagements (sortie en famille, rencontre d’amis) avec nos proches  sous prétexte que nous n’avons pas eu du temps.

La médiocrité s’imbrique aux éléments abordés précédemment, pour clore ce processus. L’attitude de l’homme à toujours vouloir tout relier au temps contribue finalement à écourter ce compte à rebours qu’il a fixé, si bien que plus rien ne se fait, excepté le temps lui-même. Dans ce propos, je veux simplement expliquer que si on ignorait un peu le temps, on accomplirait certainement mieux les choses dans la plupart des circonstances qui se présentent à nous, d’autant plus qu’on ressentirait moins sa pression. Mais visiblement c’est tout le contraire qui est vécu, avec ces hommes qui ont fondé tous leurs espoirs dans le temps alors que celui-ci n’a rien d’autre à leur offrir, si ce n’est sa gouverne tyrannique.


REFLETS DE FEMMES

Quand on parle d’altruisme, on ne saurait faire abstraction des femmes car elles sont gentilles, attentionnées et toujours prêtes à faire le bien. Il suffit de regarder comme une mère poule prend soin de ses petits pour comprendre à quel point les femmes sont dévouées aux êtres qui leur sont chers.

Les femmes ont un cœur sujet à la pitié, au pardon; elles sont tolérantes. Vous est-il déjà arrivé de vivre une situation de panique (accident, bagarre, querelle, etc.) en compagnie d’une femme ? Je préfère ne même pas vous étaler sa peur et ses scènes de crise qui suscitent le plus souvent la palpitation de la foule.

Les femmes sont dotées d’un amour pur. Lorsqu’elles s’engagent à aimer, elles aiment de façon franche l’homme et non son statut ou ses apparences. Je fais ici allusion à la femme de votre jeunesse, à la femme que vous avez connue lorsque vous n’étiez encore qu’un simple débrouillard.

Créatures à la fois délicates et sensibles, les femmes sont généralement faibles d’esprit. Elles sont certes intelligentes mais il n’en demeure pas moins que certaines circonstances de la vie leur échappent. Par exemple, si vous irritez une femme, cela risque de l’indigner et ce sont des incartades, des pulsions et des exaltations qui s’ensuivront.

S’il m’était donné l’opportunité de décrire en un seul mot la femme, j’utiliserais certainement « complexe ». En effet, l’univers féminin ressemble à une sorte de dédale où les hommes ont tendance à s’égarer. C’est un vaste domaine souterrain. Le chemin qui y mène est parsemé d’écueils de tous types. Si vous désirez vous y aventurer, je vous recommande de vous munir de gadgets prompts à vous préserver des éboulements de terrain qui font considérablement des victimes.

Lorsqu’un homme va vers une femme avec  l’intention de lui faire la cour, deux cas de figure se présentent généralement : si cet homme se montre sérieux et susceptible d’honorer sa parole, il se fait éconduire à coup sûr ; en revanche s’il est farceur, il gagne sa confiance et son estime.

Tout simplement, je tiens à montrer à quel point les femmes sont difficiles à cerner. Et quand on aurait l’impression de les comprendre, elles nous démontreraient le contraire par des velléités, ce qui se traduirait par des rencontres manquées, des excuses fausses.

Les femmes cachent un orgueil viscéral. Très souvent quand une femme est intéressée par un homme, elle lui fait croire le contraire avec un peu de culpabilité. Son plaisir dure plus si l’homme en question se prête à son jeu. Mais s’il comprend vite là où elle veut en venir, et s’éloigne d’elle, il est évident qu’elle n’aura pas d’autre choix que de lui déclarer sa flamme.

On dit habituellement que les femmes sont sentimentales, je dirais simplement qu’elles ont horreur d’avoir le cœur brisé, pourtant elles sont plus responsables de blessures émotionnelles que les hommes. En ce sens qu’une femme a plus de chance de se faire désirer par un homme qu’un homme n’a de chance d’y parvenir.


Petites précisions

Quelqu’un m’a dit un jour : « Les plaisirs auxquels vous gouttez en paressant tout au long de votre année scolaire n’ont rien de comparable aux plaisirs que vous savourez au terme d’une année scolaire laborieuse. ». J’ai souvent retourné cette opinion dans tous les sens quand j’étais au lycée et jamais je n’ai pu y tirer un message substantiel comme présentement. Je me souviens qu’au lycée nous n’étions pas assez consciencieux. Mes camarades de la même promotion et moi étions constamment agités, impulsifs, enclins à semer le désordre dans la salle pendant les heures de cours. Nous cherchions toujours à nous prouver d’abord à nous-mêmes, ensuite aux uns et aux autres quelque chose : j’ai souvent pensé à l’originalité. Mais je me rends compte que ce n’était rien d’autre que de la bêtise. En haut, j’ai omis de mentionner que c’est mon professeur de Français – parce que j’en avais honte – qui pour me ramener à l’ordre un jour m’a tenu ces propos. Ce fameux jour, l’enseignant était entrain de dispenser le cours sur l’analyse logique quand soudain j’ai levé ma main pour poser une question stupide, stupide selon l’entendement des autres mais sublime pour notre petite bande de pirates. D’ailleurs pendant que les autres riaient pour se moquer de moi, ils le faisaient pour m’aduler et n’hésitaient pas à applaudir. Pour les premières fois, le professeur s’est abstenu de ne rien dire ou faire. Lorsque j’ai répété mon acte pour la troisième fois, il s’est aussitôt empressé de m’exclure de la salle. Puis, il m’a rejoint dans le bureau du surveillant pour me sermonner. Cette année-là, j’ai pu louvoyer pendant les deux derniers mois. L’année suivante, je suis retombé dans le même guêpier et cette fois j’ai en pâti.

Quand est-ce que j’ai réellement intégré le fond de la citation du professeur ? Il a fallu que je sois renvoyé de l’établissement pour que je commence à cerner un certain nombre de choses. En effet, deux ans après mon échec, et un an avant de clôturer le chapitre du secondaire, j’étais dans l’obligation de me faire accepter par un autre établissement. Je me rappelle le ton tendu que prenait sans arrêt mon père pour me parler pendant cette période. Mon année de terminale a donc été une année de reconversion ; je suis passé de l’élève stupide à l’élève assidu quoique mes résultats n’aient pas été extraordinaires. J’ai véritablement inculqué la morale de cette histoire durant ma quatrième année d’université. J’ai compris notamment que les notes sont nécessaires pour évoluer mais il faut beaucoup plus que des valeurs quantitatives pour réussir. Il y a par-dessus tout, la qualité de l’étudiant qui est un élément à mettre en exergue. Et sans l’appui du Ciel, il ne sera pas apte à développer cette valeur en lui. Au regard de ma petite expérience, la constatation que j’ai fait jusqu’ici est que : l’étudiant passe toute son année scolaire à faire semblant d’étudier ses leçons et c’est à l’aube des examens finaux que lui vient la volonté d’ingurgiter des lueurs de cours. En temps normal, il trouve tellement pénible, ennuyeux de réviser ses notes de cours et interminable son programme d’étude. Cependant, dès que l’année touche à sa fin, ce fardeau cesse de peser sur lui. Il se met alors à regretter son indolence. Alors qu’il aurait pu faire preuve d’abnégation et de persévérance quand il était encore temps. Il lui suffisait pourtant d’écouter cette voix divine qui chuchote en nous chaque fois que nous nous apprêtons à divaguer.


Du Blues aux larmes

Let’s Get It On

De tous les styles de musique connus de ce monde, aucun n’a pu faire couler autant de larmes que le Blues. C’est un style riche et original qui a tellement marqué la scène musicale que l’on retrouve encore ses traces dans d’autres styles populaires tels que le Jazz, la Soul, le Rock, la Pop. Le Blues tire ses racines de l’esclavage et de ses rudes effets. La communauté afro-américaine exprime à travers ce rythme à la tonalité pathétique sa tristesse, la conjoncture qu’elle a endurée pendant l’époque des travaux champêtres. Ce style musical classique laisse derrière lui tout une histoire, très souvent marquée par des tragédies, des coups durs, si durs que nul ne saurait retenir ses émotions en la témoignant. Le blues a toujours exprimé avec facilité tout ce que la vie avait de plus difficile, de pénible. Les bluesmen devaient chercher au fond d’eux, l’énergie et la ressource nécessaire pour porter dans leur voix toute la complexité de leurs histoires personnelles. Certains y sont parvenus, mais d’autres ont succombé à leurs propres émotions et le Blues n’a pas hésité à faire d’eux ses victimes. Parmi les couleurs qui auront servi à peindre le Blues, l’amour apparait comme cette touche particulière qui vient raviver le tableau. Le Blues, grâce aux subtils instruments qui permettaient de le produire et qui rassemblaient ainsi Blancs et Noirs sur une même piste de danse, aura machinalement contribué à l’abolition de la ségrégation en Amérique. Cependant l’histoire du Blues n’est pas seulement la leur, c’est aussi la nôtre car nous avons tous eu un jour ou l’autre du Blues dans notre vie. Et je peux vous garantir que l’une des façons les plus efficaces de l’extérioriser consiste à laisser l’émotion vous faire fondre en larmes en écoutant l’irrésistible titre de Marvin Gaye : «Let’s get it on».


Dans l’arène de l’emploi

Tout est sombre, calme, aucun signe sonore n’est perceptible. C’est alors que surgit dans son esprit une lueur multicolore qui se transforme progressivement en lumière vive, jusqu’à ce qu’il ouvre entièrement les yeux et constate l’imminente incursion du mastodonte sur terre. A peine arrivé à l’aéroport, Frank est assiégé par les membres de sa famille, venus nombreux pour l’accueillir. C’est en les étreignant les uns après les autres qu’il commence à réaliser la pertinence de son choix.

Après ces cinq années d’études passées à plusieurs miles de Douala, en quête d’un avenir meilleur, Frank a l’impression, dès son retour, que son environnement est différent. Très vite, il succombe aux charmes des quelques changements que sa ville a connus pendant son absence, à l’instar des aménagements routiers et des bâtiments nouvellement construits. Son excitation est encore plus grande lorsqu’il pense aux acquis exceptionnels obtenus à l’issue de sa formation et se voit entrain de contribuer au développement du pays. Mais il ne se doute pas encore que la machine en elle-même demeure inchangée.

Une semaine plus tard, il s’est tenu une réunion au cours de laquelle Frank a reçu les encouragements et le soutien moral de ses oncles et tantes. Plus tard dans la même soirée, quand toute l’assistance s’est retirée, ses parents lui ont remis une enveloppe d’argent symbolisant à la fois l’aide et la bénédiction auxquelles toute la famille a voulu prendre part.

Quelque temps après, Frank a décidé de quitter la maison familiale et a aménagé dans un appartement à Deido. Il lui fallait désormais trouver une source de revenu pour assurer le paiement mensuel de son loyer. Chaque matin, il se rendait au cybercafé situé au coin de la rue débouchant dans son immeuble. Il y passait des heures à consulter les sites-web des entreprises, dans l’espoir de tomber sur une offre d’emploi. C’est ainsi qu’il a constitué et transmis ses dossiers à plusieurs entreprises de la ville. Une seule d’entre elles lui a accordé un entretien d’embauche. Finalement, le candidat retenu, quoiqu’il ne fût pas le meilleur, était originaire de la même région que le recruteur.

Avant que Frank ne s’envole pour Ouagadougou, Tatiana et lui étaient très épris l’un de l’autre. Ils s’étaient rencontrés au secondaire et depuis lors, étaient devenus très proches. Le jour où Frank partait, ils se sont promis de toujours compter l’un pour l’autre. Mais il a fallu que le prince charmant de cette idylle romantique regagne son palais avant que cette relation n’évolue vers un éventuel avenir. Ils n’ont pas cessé de communiquer malgré la distance, la preuve est que Tatiana était la première à être informée de son retour. Et lorsqu’ils se sont retrouvés, ils ont convenu de vivre ensemble. Pendant que Frank était occupé à chercher du travail, elle terminait sa sixième année de médecine à l’université.

Trois mois sont passés et Frank n’a rien pu obtenir à l’issue des multiples requêtes déposées auprès des entreprises. Il a dû accepter un boulot temporaire de manœuvre dans un chantier proche de son logement. Tatiana et lui se sont organisés de sorte à vivre à l’aide des trois mille francs qu’il gagnait chaque jour de labeur. C’était certes difficile le premier mois, mais leur désir de persévérer, leur patience leur ont permis de surmonter bien des épreuves.

Au bout de six mois, le chantier est passé à l’étape des finitions et Frank, en tant que simple maçon n’était plus sollicité. Les jours suivants, il a quand même continué à se rendre sur le lieu du travail. Un matin, alors qu’il venait à peine d’arriver, il a reconnu un de ses camarades du secondaire. Il s’agissait de Bernard, le maitre d’ouvrage. Sans hésiter, Frank s’est rapproché et lui a tendu la main. Bernard s’est aussitôt souvenu de lui et l’a pris dans ses bras tout en manifestant, par des hurlements, sa joie extrême à l’idée de revoir son ami.

La semaine d’après, ils étaient comme des jumeaux. Partout où Bernard allait, il emmenait Frank. Bernard était l’un des proches collaborateurs du délégué du gouvernement ; il était chargé de gérer les travaux d’urbanisation de la commune. Quand Tatiana l’a appris, elle s’est aussitôt empressée d’endoctriner le charmant ingénieur civil au chômage: Bernard, grâce à sa position, constituerait une aubaine pour la carrière de ce dernier.

Frank préférait éviter la question relative à son occupation quand il rencontrait Bernard. De surcroit, l’idée selon laquelle il devrait se servir de leur amitié pour lui soutirer un emploi le gênait énormément. Ce sujet a notamment été abordé lorsque Bernard a invité Frank et Tatiana à diner : celle-ci n’a pas pu s’empêcher de répondre à la place de son compagnon au moment où Bernard lui a proposé de travailler pour lui.

Le lendemain Frank était introduit comme chef aux membres d’une équipe. Son premier défi au sein de la structure consistait à concevoir une nouvelle route pour la ville. Il faut dire que pour lui, travailler dans un aussi important service était la réponse des prières qu’il avait longtemps adressées au Ciel. On ne serait jamais assez à l’abri du pire, en sécurité dans la vie, quand bien même on jouirait d’un emploi ; une question lui revenait sans cesse, à savoir : combien de temps cette situation privilégiée allait durer ?

Après neuf mois de service permanent à la communauté urbaine, le couple de Frank respirait la stabilité. Il suffisait de constater comme leur train de vie avait évolué. Ils ont déménagé dans un nouvel appartement qu’ils ont équipé de meubles tout neufs. Akwa, le quartier dans lequel ils résidaient désormais leur donnait accès au prestige dont ils avaient toujours rêvé. Pour couronner le tout, Tatiana attendait un enfant, le fruit de cette union indéfectible.

Après avoir réalisé avec succès son premier projet, Frank s’est vu confier un deuxième. Cependant au moment de la réalisation, son patron lui a recommandé une entreprise pour les travaux de sous-traitance. Celle-ci  n’avait pas la compétence requise pour la réfection d’un pont récemment entrainé par les crues. Evidemment, il était contrarié à première intension mais il a finalement dû obtempérer. Le jour de l’inauguration de l’ouvrage, le public a assisté à l’enfoncement d’une partie de la route sous l’effet des seules charges présentes, ce qui traduisait l’inefficacité du compactage préalablement effectué par la firme sous-traitante.

En fin d’année, Frank et sa compagne étaient conviés à un réveillon au domicile du délégué du gouvernement, et à cette occasion, Bernard l’a présenté comme une recrue efficace, un atout majeur pour le service. Il n’a guère tari d’éloges à l’endroit de son protégé afin que l’autorité sache, à son tour, le complimenter, saluer ses efforts. Cette soirée s’est déroulée de manière plutôt intéressante pour le couple, d’autant plus qu’ils en sont partis, la clef de leur nouveau véhicule en main.

Une nouvelle année débutait pour les âmes sœurs. La gestation de Tatiana était à deux mois de son terme. Un matin, Bernard, en discutant à propos d’une nouvelle affaire avec son subordonné, lui a demandé d’assister à une importante réunion que devait présider un ministre plus tard dans la soirée. C’est ainsi que Frank s’est rendu avec enthousiasme à l’hôtel cette nuit-là. Chacun d’eux à bord d’une automobile aux vitres teintées, les invités se dirigeaient en file indienne vers le parking souterrain. La rencontre devait se tenir dans la salle des banquets du sous-sol. A l’entrée, une petite armée d’hommes vêtus de noir s’assuraient que seules les personnes munies d’un carton spécial puissent franchir la porte. Une fois à l’intérieur, des hôtesses se chargeaient de les conduire, chacun à sa table, puis d’assurer le service des apéritifs.

Soudain, tout le monde s’est levé, les hôtesses ont quitté la salle et le silence a commencé à y régner : le ministre accompagné d’un certain nombre de personnalités de marque dont les visages m’étaient parfaitement inconnus faisaient leur entrée. Il n’y avait pas la moindre présence féminine en ce lieu, tous étaient des hommes opérant dans divers domaines de la fonction publique. « Soyez les bienvenus, tous autant que vous soyez, nouveaux ou anciens. Nous sommes réunis ici ce soir pour célébrer l’auréole de l’emploi que nous, tous, avons le plaisir de savourer. Ce plaisir, permettez-moi de le clamer haut et fort, est et demeurera éternel tant que vous accepterez d’être des nôtres et de servir, à n’importe quel prix, nos intérêts à tous. Je vous remercie, chers amis.» : énonça le ministre aux invités.

Par la suite, le maître de cérémonie demanda à tous les nouveaux de se lever, de se présenter et de prêter serment. Quand vint le tour de Frank, il chancelait. Il fallait voir les gouttes de sueur décrire sur son visage des trajectoires entremêlées les unes par rapport aux autres. La soirée s’est terminée par la dégustation des mets et l’échange des cartes de visite entre les différents membres. Le plus troublant pour Frank a été de surprendre une personnalité et un simple membre entrain de convenir d’une entrevue dans une chambre de l’hôtel. En raccompagnant le délégué jusqu’à sa voiture, Frank a appris qu’il devenait le nouveau chef des grands travaux de la commune.

Quand Frank est rentré chez lui, il a épargné les détails de cette mystérieuse aventure à sa compagne. Le lundi suivant, il a regagné son service comme à l’accoutumée. A la seule différence que le bureau qu’il occupait désormais le rapprochait davantage du sommet de la hiérarchie. Ce qu’il était entrain de vivre lui inspirait à la fois de l’allégresse et de la peur. « Aménager de nouveaux trajets afin de mieux desservir les zones où le trafic est le plus dense dans la ville » constituait le projet qui venait de lui être confié. L’enjeu ici était considérable car le budget était alloué par les Fonds Monétaires Internationaux. Sa mission devenait complexe dans la mesure où il devait assumer une plus grande responsabilité : superviser les activités de la phase de conception jusqu’à celle de la réalisation.

Les chefs d’équipes s’opposaient farouchement au fait que le jeune ingénieur inexpérimenté soit, en si peu de temps, devenu leur supérieur. Et Frank le ressentait pendant les séances de travail, notamment en constatant que l’ordre qu’il avait transmis était partiellement exécuté. D’un autre côté, l’ouï-dire au sujet de son prédécesseur suscitait suffisamment de frayeur au sein du service pour que quiconque déclinât son bureau. D’ailleurs Frank n’a pas tardé à confirmer ce que l’on racontait au sujet cet étrange personnage : il se sentait mal chaque fois qu’il s’introduisait à l’intérieur. Il pressentait qu’il se passait des choses bizarres et inexplicables dans cette pièce: il ne retrouvait jamais un objet à l’endroit où il l’avait initialement rangé ; à peine avait-il mis son ordinateur en marche pour travailler qu’il somnolait. Malgré cela, Frank n’a pas capitulé. Il croyait fermement en Dieu et en sa sauvegarde.

Lorsque Bernard lui a ordonné de réduire son budget de moitié, il s’est senti léger telle une feuille ; un sentiment de doute s’est emparé de lui. Ces quelques minutes relaxantes lui auront permis de réaliser qu’il évoluait dans un monde d’impostures. Pour ses patrons, ce qui comptait avant tout n’était pas le rendement de travail, mais les millions qu’il y avait à se partager. Cependant que pouvait-il faire sans risquer de mettre sa carrière en péril? C’est ainsi qu’il a dû revoir le coût du projet à la baisse en utilisant au lieu du bitume un revêtement superficiel. Trois semaines avant l’accouchement de sa compagne, Frank a reçu un chèque de cinq millions de francs de la part du délégué qui l’encourageait vivement à continuer dans le même sens. La semaine d’après, l’autorité lui demandait de l’accompagner à un colloque à Yaoundé. Ce soir-là, ils se sont rencontrés dans un hôtel 4 étoiles. L’hôte est arrivé une demi-heure avant son supérieur et s’est installé au bar.

Après s’être chaleureusement salués, ils ont engagé une conversation plus ou moins houleuse:

–          « Pourquoi n’avez-vous pas commandé à boire? », lui demanda le délégué.

–          « Merci, Monsieur, mais je n’ai pas trop soif. », répondit Frank.

–          « J’ai entendu dire que vous vous débrouillez bien dans votre nouvelle fonction. »

–          « Chaque jour de travail est une occasion pour m’y adapter et combler mes manquements. »

–          « Savez-vous que je peux faire de vous un homme incontournable dans votre domaine et pour ce pays? »

–          « J’en suis très flatté, Monsieur. »

–          « Il vous suffit de me rendre de temps à autre quelques services extra-professionnels. », dit l’autorité en effleurant la cuisse de son subordonné.

–          « Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous êtes entrain d’insinuer, Monsieur. », répliqua Frank tout en vacillant.

–          « Pensez à votre compagne et au bien-être de l’enfant qu’elle porte actuellement. Si vous vous montrez coopératif, je ferai en sorte que vous ne manquiez jamais de rien. »

–          « Je regrette, Monsieur, mais cela m’est impossible. », déclara Frank après avoir marqué quelques minutes de répit.

Le délégué l’a fixé du regard pendant un moment avant de s’en aller, la mine complètement refroidie. Frank n’a finalement pu résister à l’envie de prendre un verre, deux verres et une bouteille entière de liqueur. Le gérant a dû faire appel au service de sécurité pour qu’on le transporte hors de l’hôtel. Ce fut sa toute première nuit à la belle étoile.

La semaine suivante, Frank ne s’est pas donné le mal de retourner travailler. Il est resté chez lui pour s’occuper de sa dulcinée. Une fois de plus, il s’est abstenu de lui raconter sa son voyage, de peur que cela ne la perturbe; d’autant plus qu’elle devait bientôt mettre au monde leur fils. Mais elle se doutait bien que Frank lui dissimulait quelque chose car elle avait remarqué chez lui un étrange comportement depuis son retour.

Le jour où l’homme comblé est revenu de l’hôpital avec ses protégées, des agents de police sont venus l’appréhender dans son appartement. On l’accusait de détournement de fonds et d’incompétence. Il était mentionné dans la presse qu’il a bâclé le projet financé par les FMI afin de s’accaparer le reste du budget pour des fins personnelles. Des enquêtes auraient été soigneusement menées et tout soupçon qui pesait sur Frank se serait avéré exact.

On vit chaque jour qui passe avec espérance, on rêve, et quand vient la vie qu’on a tant attendu, on se demande combien de temps on en profitera. Toutefois, ce qui compte dans la vie n’est pas le temps qu’elle met mais ce sont, de loin, les efforts qu’on consent pour survivre dignement. C’est donc au travers des barreaux de la prison centrale de New-Bell que Frank verra sa fille grandir et atteindre l’âge de quinze ans.