Pourquoi ma plume a récemment cessé d’être féconde ?
6 heures ce matin, je me réveille sur ma moto en accompagnant mon coloc à son nouveau boulot. Si je suis debout de si bonne heure, c’est bien parce qu’il s’agit d’aider un ami ou d’accomplir le devoir du coloc exemplaire. Autrement dit, je serais noyé dans une quasi-mort à l’heure où je vous parle. Difficiles, les vacances ! Difficile aussi, l’après-diplôme ! Je nage dans un océan de paresse ces derniers moments. L’oisiveté est tout ce qui me passionne. Ce compagnon de déroute se dresse contre moi chaque jour, il s’oppose à la moindre tentative d’effort que j’entreprends, aux premiers mots que je songe aligner dans quelque article que ce soit. Par contre, il semble offrir à l’agréable plus de place qu’à l’utile. Conséquences : j’ai fait plus de rencontres féminines ces récents mois que je n’en aurais totalisé en temps normal, j’ai découvert de nouvelles façons de boire la bière, les films me hantent en longueur de nuit avec leurs passages tantôt horrifiants, tantôt excitants.
Ce matin donc, après le service rendu à mon ami, je retourne dans notre studio. Dehors, le ciel vient de s’assombrir, le vent bouge dans tous les sens, le temps est beau, suffisamment beau pour vous – et non pas moi, vu que je viens d’y résister – inciter à inviter une petite pour qu’elle vous vienne en aide, si vous voyez ce que je veux dire… Au lieu de ça, je prends une bonne douche, j’accroche mes doigts au clavier de mon portable et je vis de nouveau. En écrivant, je reprends goût à la vie, mes yeux brillent de leurs plus belles couleurs, mon cœur s’allège comme s’il laissait s’échapper par des espèces de pores le poids qui l’encombrait depuis tout ce temps et dont il est déterminé aujourd’hui, à cette heure inédite, de se débarrasser, enfin mes mains se confient en relatant le plus grand secret qui ait jamais pesé sur ce cœur meurtri de silence. C’est un mystère que les mots seuls arrivent à percer.
Après deux mois et demi de silence, que peut-on trouver comme excuse à ses lecteurs ? Eh bien, y a pas d’excuse qui tienne, y a que la vérité. La vérité c’est que, bien qu’ayant été très instructifs, ces derniers mois ont été les plus interminables de ma vie. Bibliographie, rédaction, essai, interprétation, soutenance, jury d’évaluation sont quelques termes assez significatifs qui constituent le champ lexical du type d’occupation à laquelle j’étais assigné. Non pas que je me plains mais y a pas mal de choses sur lesquelles j’aimerais revenir, simplement pour que vous aussi réalisiez comme cette période est pénible. Primo, j’ai dû me gaver de lectures ennuyeuses (articles, bouquins scientifiques, revues sur la recherche, pages web). Au quotidien, je ne suis déjà pas trop curieux en matière de lecture à moins bien sûr que l’histoire m’intéresse particulièrement. Secundo, fallait faire appel à toute mon attention, ne pas me laisser distraire et encore moins me distraire (fini les maquis !) car la moindre erreur qui se glisse dans vos travaux est susceptible de foirer les résultats. En un mot, c’est un sacrifice que de se jeter dans la recherche. Enfin, fallait être suffisamment fort et flexible. L’encadrement des professeurs, le travail en équipe peuvent parfois ne guère susciter de la réceptivité chez vous. Votre capacité à faire preuve d’indulgence, à temporiser les choses et à éviter de trop vite vous emporter s’avère alors être d’une grande utilité. Y a vraiment de quoi disparaitre après la sentence du jury, et sombrer dans un repos mérité.
L’autre raison qui explique mon silence ou qui contribue à rallonger mon repos, c’est cette raison du cœur que la raison même ignore. Carine, d’une baguette magique, a intéressé mon cœur durant cette cruciale période d’apprentissage. Jeune, innocente et fraiche comme une fleur de printemps, elle a embelli ma vie et m’a donné toutes les raisons suffisantes pour traverser ce laborieux moment. Vous êtes-vous déjà senti responsable d’une personne? C’est ce genre de sentiment qu’elle m’a inspiré, du moins jusqu’au maudit jour où je lui ai annoncé que je rentrais bientôt dans mon pays. Depuis, elle a cessé d’être délicate pour moi, de faire partie de mon rêve, elle s’est refermée telle une coquille. Mes SMS multipliés en vue de lui rassurer mon estime n’ont pu l’en dissuader jusqu’à ce jour où je me libère à peine des flammes de cette passion substitutive qui nous consumait, ma passion pour l’écriture et moi.
Francoperen, pour vous servir !